Guy est un adolescent de 12 ans un brin macho. A la mort de sa tante, il hérite d’une bague aux pouvoirs magiques. En l’enfilant, Guy devient alors SheZow, une super-héroïne affublée d’une jupette rose, d’une longue chevelure brune et détentrice de tout un tas de gadgets hyper cool (rouge à lèvres laser, barrette boomerang, crème d’invisibilité…). Si SheZow cartonne auprès des enfants depuis son arrivée à l’antenne sur l’antenne australienne en 2012, du côté de certains parents, on grince fortement des dents. Comme le relate Slate.fr, les plus conservateurs accusent le dessin-animé de promouvoir la théorie du genre, d’endoctriner les plus petits en leur polluant l’esprit avec un « héros transgenre ».
Comme on pouvait s’y attendre, c’est aux Etats-Unis que SheZow a commencé à rencontrer des difficultés. Diffusé sur la chaîne The Hub dès 2013, le dessin-animé s’est tout de suite attiré les foudres d’associations et médias conservateurs. Dans un communiqué publié à l’époque, l’association One Million Moms s’indignait en ces termes : « Cette série est une nouvelle tentative menée par la communauté LGBT pour endoctriner nos enfants afin qu’ils acceptent leur style de vie. Il ne va pas falloir longtemps avant qu’on entende des petits garçons dire : ‘Je veux être une fille pour pouvoir aider les gens et sauver le monde’ ». Et en France ? Chez nous, SheZow a fait une arrivée discrète sur Canal J il y a deux ans. Ce n’est que début janvier 2015 lorsqu’il a atterri sur Gulli que le programme a fait réagir.
Sur le site MesOpinions.com, une certaine Stéphanie A. n’a pas hésité à lancer une pétition baptisée « SheZow est un dessin animé inadapté aux enfants ! ». Si la pétition est très peu suivie avec un peu plus de 200 signatures, le message est clair : « Ce dessin animé est complètement inadapté aux enfants et clairement orienté vers la théorie des genres. Je trouve dangereux l'idée de mettre dans la tête de nos enfants qu'un petit garçon doive se travestir pour devenir un super héros ».
Face à cette polémique, Obie Scott Wade, le créateur de SheZow, a bien été obligé de réagir. A Zap2it, il expliquait en juin 2013 : « Il n’est pas transgenre. C’est un garçon, son genre ne change jamais. Il est juste pris au piège dans un costume ridicule. L’idée de SheZow m’est venue quand j’étais petit, donc non, je ne trouve pas le dessin animé inapproprié ». Des propos qu’il a renouvelé maintes fois, confiant également avec espoir au site The Nerdist : « J’aimerais juste demander aux gens de regarder la série avant de se faire un opinion à son sujet ».
Le cas de SheZow n’est pas sans rappeler celui de Ranma ½, héros de manga des années 90 qui se transformait en fille au contact de l’eau. Diffusé en France dans Le Club Dorothée, le dessin animé avait carrément connu la censure, des épisodes se voyant amputés de plusieurs minutes. Souvenez-vous aussi du « scandale Teletubbies ». Parce qu’il portait un sac à main, le pauvre Tinky Winky était bien vite devenu la cible d’associations homophobes. Enfin, tout récemment, c’est en Suède que la polémique explosait suite à la diffusion d’un dessin animé dans lequel un sexe masculin et un sexe féminin poussaient la chansonnette dans une émission éducative. Sortir des sentiers battus dans le domaine de l’animation semble donc mener malheureusement bien souvent à la controverse.
Si la pétition lancée en janvier est loin de faire grand bruit, une dizaine d’e-mails ont également été envoyés à la direction de Gulli. Interrogée par Télé 7 Jours, la directrice de l’antenne, Caroline Mestik, tombe des nues : « Nous avons acheté ce programme parce qu’il a très bien marché aux États-Unis et que nous l’avons trouvé drôle. Nous n’étions pas au fait du scandale américain à ce moment-là, nous n’aurions jamais imaginé que SheZow puisse faire polémique, nous sommes surpris et étonnés ».
Surpris et étonnés certes, mais de-là à annuler purement et simplement la diffusion du programme il y a un monde. Caroline Mestik réfute l’idée d’apologie de la théorie du genre, et rétorque aux détracteurs de SheZow : « Ce n’est ni le propos de la série, ni le propos de Gulli ». Sur Slate.fr, Caroline Cochaux, directrice des programmes jeunesse chez Gulli et Canal J, ajoute : « On est à des années lumières de la problématique transgenre. SheZow me fait penser à Madame Doubtfire, un papa qui se déguise en femme pour voir ses enfants. Il n'y a rien de malsain, c’est juste de l’humour, et les enfants savent très bien faire la part des choses ».
Entre le peu d’engouement pour la pétition et la fermeté chaînes, peut-on dire que la polémique française autour de SheZow est déjà morte et enterrée ? Pas vraiment. Face à ce petit remue-ménage, le comité éthique de Gulli a été saisi. Ses sept membres visionneront sous peu plusieurs épisodes pour déterminer s’il y a un réel problème. Affaire malheureusement à suivre…