C'est une assertion stimulante que semblent s'échanger entrepreneur·se·s, milliardaires en pagaille et yogis de tout poil : se lever tôt serait l'une des clés de la réussite. Un réveil qui sonnerait à six ou sept heures du matin est soit une situation tout à fait ordinaire, soit tout à fait nécessaire, pour les performances notamment. Voilà qui est dit.
Mais est-ce vraiment vrai ? Pourquoi les lève-tôt seraient-ils forcément plus productifs, efficaces ou ambitieux dans la vie de tous les jours ? Derrière cet éloge du sommeil restreint, on devine bien des fantasmes et idées reçues. Ou, peut-être, une meilleure façon, un brin glamour, de nous faire accepter ce grand sacrifice qu'est le lever aux aurores. En deux mots, il y a comme une injonction à fuir la grasse mat envers et contre tout.
Et pourtant, bien des voix et des études démontent désormais cet argumentaire.
Se lever à l'aube, la recette du succès ? Pas sûr, nous rétorque la BBC. Comme l'avance le journal britannique, être matinal·e ne garantit pas une hausse de la productivité, de la motivation, et encore moins une résolution des problèmes persos de gestion du temps ou une amélioration de vos capacités cognitives. Et ce malgré le fait que d'indénombrables célébrités, du PDG d'Apple Tim Cook à Oprah Winfrey, n'hésitent jamais à rappeler qu'ils se lèvent entre trois et six heures du matin - pour consulter les e-mails, réfléchir, méditer et faire de l'exercice.
Pour le professeur Johns Hopkins, une absence de cohérence dans la gestion du sommeil peut même directement "déranger [notre] système". Effectivement, un sérieux manque de sommeil peut malmener votre esprit et votre corps. En provoquant des sautes d'humeur, des troubles de la concentration, de l'anxiété, voire même un risque accru de maladie cardiaque. Sacrifier le sommeil n'est pas sans incidences. A cela s'ajoutent les avertissements du département de neurosciences de l'université d'Oxford qui nous rappellent que se lever tôt mais peut augmenter les risques de diabète, de maladies cardiovasculaires et d'humeur dépressive. Pas de quoi rêver.
Le manque de sommeil serait même l'un des plus gros facteurs de perte de productivité. Une étude de Harvard menée en 2017 a non seulement révélé que se réveiller tôt ou tard n'avait au final que peu d'importance (seule compte la cohérence des habitudes de sommeil), mais que des schémas de sommeil irréguliers pouvaient engendrer de moins bons résultats scolaires. Penser qu'une même heure conviendrait à toutes et tous reviendrait à ignorer l'existence de nos horloges biologiques.
A l'unisson, le neuroscientifique Russell Foster tient à préciser au média INC "qu'aucune recherche n'a démontré que se réveiller tôt ne nous rend forcément plus productif". Comprendre, aucune grande raison scientifique ne nous incite à aller contre notre nature biologique en se réveillant à cinq heures du matin. A l'inverse, les recherches du psychologue clinicien Michael Breus, qui s'est notamment attardé sur la diversité desdites natures biologiques, démontre qu'une "écrasante majorité des individus" ne seraient pas conçus de sortes à se réveiller chaque jour à 5 heures du matin sans éprouver des troubles divers, psychologiques et physiques.
Pourtant, bien des raisons expliquent le pourquoi de la popularité médiatique du lever-tôt. Le fait de se lever en même temps – voire avant – le soleil par exemple, d'être ainsi en osmose avec quelque chose de plus grand que soi, mais aussi de s'accorder à des horaires d'entreprise traditionnels, valorisant du même coup une certaine philosophie professionnelle. Se lever tôt exige également une certaine conviction personnelle et une force aussi bien mentale que physique, preuves d'une assurance bien sentie.
Le plus important serait de trouver une routine qui correspond à votre horloge interne - certaines personnes sont indéniablement plus performantes et alertes de nuit. Et puis, d'autres alternatives, plus saines, s'offrent à vous. D'emblée, apprendre à mieux connaître ses propres préférences de sommeil. Par exemple, les moments de la journée où l'on se sent le plus efficace, ou le moins, histoire d'équilibrer. Faire en sorte de privilégier des cycles de sommeil réguliers et adéquats également, en cohésion avec une hygiène de vie harmonieuse.
Du côté de la CNBC, le scientifique du sommeil Daniel Gartenberg insiste sur l'importance de dormir au moins huit heures et demie par jour en moyenne, afin de maximiser sa productivité tout au long de la journée. Écouter son corps avec beaucoup d'attention, également. Et surtout, ne pas matraquer le bouton Snooze, au risque d'interrompre un nouveau cycle du sommeil tout juste émergent – et donc, de nuire encore plus à notre santé et à notre potentielle productivité.
Et, enfin, se souvenir que ce qui a pu marcher chez les working women les plus populaires du monde, au train de vie bien différent, ne fonctionnera peut être pas chez vous. Oui, c'est tout un mythe qui s'effondre.
"Le sommeil est crucial pour votre bien-être. Je considère que c'est l'une des plus cruciales habitudes de santé aux côtés de l'exercice physique et de la bonne nutrition. J'ai besoin d'au moins sept heures de sommeil. Et dans la bataille entre le "suffisamment de sommeil" et le "se lever tôt le matin", le sommeil gagne toujours", conclut la blogueuse Daphne Tideman sur l'un de ses billets professionnels. Une dure lutte.