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Un bébé à trois parents, c'est pour bientôt mais comment ça marche ?
Publié le 28 février 2014 à 17:59
Par Charlotte Arce | Journaliste
Faire un bébé à trois sera-t-il bientôt biologiquement possible et autorisé ? Alors qu'aux États-Unis, un comité d'experts a présenté cette semaine une nouvelle technique de fécondation combinant l'ADN de trois personnes, le ministère de la Santé britannique a lancé une consultation gouvernementale pour une éventuelle adoption d'un projet de loi en 2015.
Un bébé à trois parents, c'est pour bientôt mais comment ça marche ? Un bébé à trois parents, c'est pour bientôt mais comment ça marche ?© iStock
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Une « nouvelle ère dans la médecine génétique ». C'est ainsi que le gouvernement britannique, appuyé par un collège d'experts et de scientifiques, a présenté cette semaine le nouveau projet du ministère de la Santé : celui d'autoriser la conception d'enfants issus du code génétique de trois individus, et ce dès 2015.

Déjà expérimenté à plusieurs reprises par différents chercheurs dans le monde, cette technique a avant tout une finalité scientifique : celle de créer un embryon sans défaut génétique responsable de maladies mitochondriales, héréditaires et incurables.

Biologiquement réalisable grâce à la fécondation in vitro (FIV), la procédure consiste à retirer la mitochondrie défectueuse (le générateur d'énergie des cellules) de l'ovule de la mère pour la remplacer par une mitochondrie saine issue d'une donneuse. Une fois fécondé par le sperme du père, l'ovule est implanté chez la mère et le fœtus se développe avec une combinaison des trois ADN. Cette technique permettrait de concevoir un embryon exempt de tout défaut génétique responsable, entre autre, de problèmes cardiaques graves, de dysfonctionnement au niveau du foie, de troubles neurologiques, de cécité ou de dystrophie musculaire.

Une adoption du projet en 2015

Encore interdite en Grande-Bretagne, la procédure pourrait cependant bientôt être adoptée. Le ministère de la Santé a en effet lancé une consultation visant à établir un projet de réglementation. Interrogé par le Telegraph, le professeur Peter Braude, chef du service obstétrique et gynécologique au King College de Londres, s'est dit « très heureux » de la décision du gouvernement britannique. « Bien que rares, les effets de la maladie mitochondriale sont dévastateurs pour les familles, et la procédure pourra apporter de l'espoir à ceux qui en souffrent. Il est vrai que la modification génétique du risque de maladie est une étape importante pour la société, et ne doit pas être prise à la légère. Toutefois, les changements proposés à la réglementation permettront de d'assurer qu'elle sera limitée aux couples informés, qui comprennent grâce à leur triste expérience personnelle les effets significatifs de cette maladie, et sont les mieux placés pour équilibrer risques de la technologie et possibilité d'avoir des enfants sans maladie mitochondriale », a-t-il expliqué.

Des problèmes d'éthique et de sûreté

Si de nombreux scientifiques se réjouissent de la décision du gouvernement britannique d'expérimenter les FIV à trois ADN, d'autres soulèvent les problèmes d'éthique que suppose une telle procédure. C'est le cas du Dr David King, directeur du groupe Human Genetic Alerts en Grande-Bretagne, qui exprime ses inquiétudes dans le Telegraph de voir naître, d'ici quelques années, des « bébés sur-mesure ». « S'il est adopté, ce sera la première fois qu'un gouvernement légalise la modification du génome humain héréditaire, une procédure encore interdite dans tous les autres pays européens [...] Les techniques sont contraires à l'éthique médicale, car leur seul avantage sur le don d'ovules standard et sûr est que la mère est génétiquement liée à son enfant. Cela ne peut justifier les risques inconnus pour l'enfant ou les conséquences sociales résultant de la modification du génome humain. »

Les États-Unis plus réservés sur la FIV à 3 ADN

Même son de cloche de l'autre côté de l'Atlantique. Mercredi 26 février, un comité de spécialistes chargés de se pencher sur la question de la FIV à 3 ADN a rendu des recommandations mitigées à la Food and Drug Administration (FDA), l'équivalent américain de l'ANSM. S'ils considèrent bien que cette procédure peut éviter la transmission de maladies mitochondriales, ils émettent de sérieuses réserves sur sa sûreté. « Il y a dans l'ensemble une grande inquiétude quant au bien-être de ces enfants. À ce stade de la recherche, il n'y a probablement pas assez de données, que ce soit dans les expérimentations animales qu'en laboratoire, pour commencer des essais cliniques », a déclaré le président du comité d'experts Evan Y. Snider à l'AFP. Un point de vue partagé par le Professeur Samir Hanamah, chef du département de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier : « Aujourd'hui, le drame de l'aide médicale à la procréation, c'est qu'on veut toujours aller plus loin et plus vite. Avec ces techniques, je considère que l'on joue avec le feu et qu'on risque de faire naître de faux espoirs chez ces familles. »

Du côté des partisans de la FIV à trois ADN, on rejette en bloc toute accusation d'eugénisme, préférant souligner le progrès scientifique que constitue la procédure : « Il n'est pas question de bébés fabriqués génétiquement, explique Susan Solomon, PDG de la New York Stem Cell Foundation au Washington Post. Nous essayons seulement d'empêcher des maladies horribles. »

En Grande-Bretagne, le Parlement devra donner son accord avant toute adoption par la loi de la FIV à 3 ADN. Quant à la FDA aux États-Unis, rien ne l'oblige à adopter les recommandations des comités d'experts qu'elle consulte, même si elle les entérine le plus souvent, rappelle l'AFP.

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