Lundi 25 septembre, les étudiantes et étudiants qui se rendaient à l'Université Libre de Bruxelles (ULB), en Belgique, n'ont pas pu les manquer : dix camions publicitaires stationnés aux abords du campus, et qui affichaient un slogan aussi évocateur que polémique : "Hey les étudiantes ! Améliorez votre style de vie, sortez avec un Sugar Daddy."
Derrière cette incitation à peine voilée à la prostitution estudiantine, se trouve le site norvégien RichMeetBeautiful.be, un site de rencontres qui se propose, moyennant finances, de mettre en relation des hommes âgés aux revenus confortables (les "sugar daddies") avec des jeunettes qui ont du mal à joindre les deux bouts (les "sugar babies") afin de leur offrir des dîners, des vêtements et autres "cadeaux".
À peine dévoilée, la campagne publicitaire de RichMeetBeautiful.be a suscité une vague de protestations auprès du personnel de l'Université, des étudiant.e.s mais aussi du gouvernement. Ce mercredi, la Fédération Wallonie-Bruxelles a annoncé qu'elle comptait déposer plainte pour incitation à la débauche et à la prostitution tandis que le parquet de Bruxelles a lui ouvert une enquête pour "incitation à la débauche d'une personne majeure dans un lieu public". Quant à l'ULB, elle a déclaré avoir aussi déposé plainte auprès du Jury d'éthique publicitaire de Belgique, un organe d'autodiscipline du secteur, et dont les avis négatifs sont généralement suivis par les annonceurs. Dans l'attente de ces décisions, la campagne publicitaire a été interdite dans l'ensemble de la capitale belge.
La campagne de RichMeetBeautiful.be a indigné jusqu'au gouvernement belge. Interrogée à ce sujet, la secrétaire d'État bruxelloise à l'Égalité des chances, Bianca Debaets, a aussi dit vouloir déposer une plainte. "La société derrière cette campagne agressive est ignoble et sans le moindre doute engagée dans le domaine de la prostitution de jeunes étudiantes", a-t-elle déclaré.
"Pour moi, il s'agit de l'exploitation de jeunes filles vulnérables, qui se trouvent parfois dans des situations économiques difficiles et qui sont attirées par la promesse de beaux cadeaux onéreux et de rétribution financière si elles sont disposées à se lier à des hommes d'affaires plus âgés", a poursuivi Bianca Debaets.
Dans un communiqué, l'Union des étudiants de la Communauté française (Unecof), a dénoncé une campagne "complètement immorale". "De plus en plus d'étudiants ont des difficultés sociales ou économiques. On sait que le phénomène de la prostitution étudiante gagne du terrain, et voilà une entreprise qui exploite la détresse de ces jeunes femmes pour faire des profits", a dénoncé sa présidente, Opaline Meunier, à l'AFP.
"Si ce n'est pas de l'incitation à la prostitution, c'est au moins comparable à l'utilisation des services d'une escort girl. Or, ces étudiantes-là, qui ont du mal à payer leurs études, ont besoin d'une bourse, pas d'un 'sugardaddy'."
Il faut dire qu'en Belgique, la loi relative à l'encadrement de la prostitution est favorable au développement de sites comme Rich Meet Beautiful, qui tablent sur le fait que seuls le proxénétisme et le racolage soient interdits par la loi belge. Pour Sigurd Vedal, le PDG norvégien du site, mettre en relation des jeunes filles et de riches hommes n'a rien d'illégal, et encore moins d'immoral. "C'est un malentendu classique, s'est-il justifié auprès de l'AFP. Nos 'sugarbabies' doivent avoir au moins 18 ans et la prostitution n'est pas autorisée", a-t-il assuré à l'AFP. "Nous sommes comme un site de rencontres classique, sauf que l'aspect financier fait partie des critères", s'est-il défendu.
Lancé il y a quelques semaines en Belgique, RichMeetBeautiful.be ne cache pas son souhait de faire du pays l'un de ses principaux marchés. "Nous estimons pouvoir enregistrer 300 000 inscriptions de membres belges d'ici la fin de l'année 2018", s'est enorgueilli Sigurd Vedal au site La Dernière Heure. Tablant sur le marketing de masse, le site prévoit de déployer sa campagne dans d'autres universités belges dans la semaine, avec dix camions supplémentaires.