Yves Deloison : C’est un sujet qui me passionne depuis longtemps, sur lequel j’ai beaucoup travaillé. J’ai longtemps été consultant, formateur. Je rencontrais alors des femmes qui faisaient des bilans de compétences pour changer de métier. J’étais alors frappé par le fait qu’elles s’interdisaient de réfléchir à d’autres voies qu’à celles pour lesquelles elles étaient conditionnées. Des professions plutôt plus précaires et moins rémunérées, le plus souvent. Mais je me suis aussi rendu compte que nous étions sans cesse en train de pointer les constats : dans tous les domaines analysés, les femmes sont systématiquement dévalorisées par rapport aux hommes, nous le savons. Ce que je voulais faire avec ce livre, c’est montrer la mécanique qui nous amène à ce résultat. Je ne voulais pas non plus un bouquin pour initiés, mais au contraire un ouvrage qui raconte des situations et des préoccupations du quotidien et qui parlent à tous. Les questions d’égalité salariale ou de stéréotypes s’adressent aux hommes comme aux femmes. Nous sommes tous l’objet d’un certain conditionnement, nous nous construisons avec les rôles que l’on nous assigne…
Y. D. : C’est un titre qui interpelle mais qui est vrai, les chiffres quels qu’ils soient montrent que les femmes sont nettement dévalorisées. Comment expliquer sinon par exemple que les femmes réussissent mieux dans les études mais sont limitées dans leur carrière, dans leur poste, leur rémunération ou leurs possibilités de formation professionnelle ? Elles sont toujours considérées comme étant en situation de gérer le quotidien. Et il est très difficile de sortir de ces schémas stéréotypés : j’ai très souvent été interpellé par la façon dont certaines femmes défendent bec et ongles leur place dans le foyer, alors qu’elles sont en position de totale inégalité. Parfois aussi, j’ai été surpris par ces femmes qui se sentent obligées de dire qu’entre elles il y a forcément des « crêpages de chignon » ou par ces réactions parfois violentes envers celles qui ont du pouvoir. Tous ces stéréotypes pourtant se démontent très vite : prenez les dirigeantes, elles ne sont ni plus dures, ni plus autoritaires que les hommes. En revanche, on supporte souvent moins ces caractéristiques chez une femme.
Y. D. : Il est très difficile de sortir de ces schémas. Une femme qui va dire, par exemple, ne pas vouloir d’enfants ou mettre sa carrière en attente sera culpabilisée, par elle-même ou par les autres, dans une mécanique souvent inconsciente. C’est pour cette raison qu’il faut une prise de conscience et je tente dans mon livre de donner des clefs concrètement applicables. En pointant petit à petit tous ces comportements, les regards vont changer. Par exemple, le simple fait de dire « nous les femmes » sous-entend un seul modèle féminin et rend d’autant plus difficile un choix qui ne rentre pas dans les stéréotypes. Or les femmes doivent, par exemple, pouvoir assumer la compatibilité entre travail et maternité. C’est possible et il existe des solutions : d’une part avec l’autre, mais aussi avec l’entreprise. Cette dernière peut favoriser la préparation, peut nous aider à anticiper : ce n’est pas un changement qui survient du jour au lendemain. D’autre part, il n’y a aucune raison de blâmer une femme qui décide de reprendre le travail après avoir accouché, comme nous sommes capables encore de le faire… En tout cas, je suis très optimiste, je crois beaucoup en notre capacité à changer, mais pour l’instant, ça ne bouge pas assez vite.
Pourquoi les femmes se font toujours avoir ?, Yves Deloison, First, 16, 95 euros.
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