Lancée le 25 novembre, journée mondiale pour l'éradication des violences faites aux femmes, une campagne veut faire connaître le "point noir" comme code de détresse pour les personnes victimes de violences conjugales.
Il y a aujourd'hui 250 à 300 000 nouvelles femmes agressées par leur partenaire chaque année.
L'histoire du point noir commence en Angleterre en 2015 comme l'explique Alice, communicante, qui veut importer ce code de détresse en France : "Celle qui a créé ça, ce n'est pas une dame du sérail. C'est une ex-victime de violences conjugales, qui un jour s'est posée la question : 'Mais qu'est-ce qui aurait pu m'aider au pire moment?'. Et le moment le pire, c'est la phase d'emprise, où vous n'avez plus beaucoup de gens autour de vous. Elle s'est dit : 'Si j'avais eu un code, ça aurait été super'. Alors elle a mis ça sur Facebook, et les gens ont partagé et c'est devenu viral. Il y a eu presque 5 millions personnes atteintes dans le monde anglo-saxon."
Le point noir est dessiné au creux de la main au crayon à maquillage pour être effacé rapidement en cas de risques pour la victime. Celle-ci peut l'utiliser comme un code d'alerte adressé à une personne en qui elle a confiance : "Cela veut dire de la part de la personne qui le porte : 'je suis victime, j'ai besoin d'aide et j'ai des difficultés à en parler librement.'"
Critiquée pour ne pas avoir associé des professionnel·les à son initiative et pour potentiellement mettre ces femmes en danger, l'Anglaise qui avait lancé cette campagne a fermé sa page Facebook, tout en restant anonyme encore aujourd'hui.
Alice a, elle, découvert le principe du point noir en regardant un feuilleton au Canada : "Je ne connaissais pas et mes ami·es m'ont expliqué. J'ai vu que cela venait d'Angleterre et que cela s'était arrêté au bout d'un mois. Je me suis dis que c'était vraiment dommage."
Elle qui est à l'origine de premières campagnes comme "Toutes en jupe", ou "Mettez du rouge" (des hommes mettaient du rouge à lèvres pour alerter sur les chiffres des violences faites aux femmes), n'a alors qu'une idée : importer le point noir en France.
Alice se met à chercher des partenaires pour communiquer sur ce sujet, qui ne nécessite pas de financements alors que l'argent manque, mais qui peut faire avancer la lutte : "Je me suis mise en quête de partenaires, dont les premiers ont été l'association Parler, le Planning familial et le secrétariat d'État à l'égalité femmes-hommes."
Son appel pour le faire connaître est large : "On a aujourd'hui le Conseil national des barreaux, donc les avocats, le Conseil national de l'ordre des sages-femmes, parce que les premiers coups arrivent souvent pendant la grossesse, l'association des femmes huissiers de France, ce qui est important parce qu'elles entrent dans les maisons. Nous sommes également partenaire du Conseil national des obstétriciens et gynécologues de France."
Tous les partenaires aident via leurs réseaux en faisant connaître le point noir, en réalisant des actions, comme des photos, des mails, ou en postant des photos de mains sur les réseaux sociaux : "L'idée c'est qu'un maximum de gens connaissent ce code, aussi via les réseaux sociaux et que des gens puissent s'en servir dans la vraie vie ensuite."
N'importe quelle personne peut faire la publicité de ce point noir, que l'on soit commerçant·e ou médecin. Ici, une infirmière a collé une affiche sur sa voiture alors qu'elle parcourt de nombreux kilomètres chaque jour à la rencontre de ses patients.
Parmi ceux et celles qui ont lancé des projets photographiques sur le sujet, on compte par exemple l'ISCPA de Lyon ou des écoles de la deuxième chance en Seine-Saint-Denis à Sevran, La Courneuve et Bobigny. A Rosny, les élèves ont décoré toutes leurs fenêtres de mains avec un point noir pour le faire connaître aux passants. Radio France a également envoyé un mail à tou·tes ses salarié·es.
Alice souligne : "On peut tous et toutes participer à cette campagne pour le faire connaître. Il n'est pas question de genre. C'est fédérateur, qu'on soit victime, ex-victime ou non-victime, cela créé du lien."
Au travers de cette campagne qu'elle souhaite virale, Alice veut faire passer plusieurs messages : "Le premier, il est vers les victimes pour leur dire que nous sommes avec elles. On fait campagne auprès des personnes qui vont accepter de recevoir ce message pour que vous puissiez l'émettre. Cela montre aussi aux agresseurs qu'on s'organise."
La sensibilisation aux chiffres est pour elle primordial alors que 109 femmes sont encore mortes en 2017 de violences conjugales : "Il y a très peu de personne qui connaissent les statistiques des violences conjugales. Et dès qu'elles les connaissent, il y a une prise de conscience immédiate. Quand vous vous dites que toutes les six minutes, il y a un viol ou une agression sexuelle, six minutes, c'est deux chansons à la radio, c'est trois stations de métro à Paris. Quand vous prenez le métro le matin, dites-vous que c'est ce qui se passe dans notre pays en France."
A la personne qui repère ce point noir sur une main, Alice conseille d'engager discrètement une discussion avec la victime et de lui proposer de l'aide pour s'orienter vers une structure professionnelle. "En aucun cas, on peut se substituer à l'aide professionnelle. C'est un métier. C'est l'un des autres messages importants de cette campagne."
Elle invite chaque personne à se rendre sur le site du Point Noir ou sur internet de manière plus large pour connaître les structures d'accueil près de chez soi qui pourront accueillir les femmes victime de violences conjugales.
Faire le point noir est une démarche vers l'extérieur qu'il faut franchir. Mais le point noir a pu aider certaines femmes comme le raconte Alice : "Il y a une dame en Angleterre qui a raconté que de savoir que le point noir existait lui avait donné de la force. Elle s'est retrouvée à l'hôpital et a écrit "help" dans sa main, qu'elle a montré à l'infirmier. Et elle a trouvé de l'aide grâce à ça. Cela peut aussi être un code pour montrer que beaucoup de gens sont d'accord pour aider, qu'ils se sentent concernés. On peut aussi l'écrire sur un petit papier et le mettre dans la poche de quelqu'un."
Les personnes qui souhaitent faire connaître cette campagne peuvent poster la photo de leur main sur les réseaux sociaux accompagnée d'un point noir. Elles peuvent également télécharger des affiches "Ici on connaît le point noir" sur le site internet de la campagne.