"Comme tu as dit oui une fois, tu ne peux plus dire non maintenant". Cette seule phrase despotique suffit à illustrer le sentiment de supériorité dont se croyait doté Thierry Marchal-Beck, ancien président du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), accusé par 8 femmes de harcèlement et d'agressions sexuelles entre 2010 et 2014.
Ces femmes, militantes ou cadres du MJS à l'époque des faits, ont décidé de briser le silence et de témoigner dans les colonnes de Libération. Si certaines reconnaissent avoir eu des relations consenties avec l'ancien dirigeant socialiste, toutes font état de son caractère pressant, jusqu'au moment où il n'est plus parvenu à se contrôler. Lui qui brandissait pourtant le féminisme comme un étendard. Lui qui répétait à qui voulait l'entendre : "Je suis féministe, car l'égalité est au coeur du combat socialiste".
En 2010 pourtant, après des années de militantisme à l'Union nationale lycéenne (UNL) et au MJS, au sein duquel il participe à la campagne de 2002 de Lionel Jospin, Thierry Marchal-Beck fréquente une militante à qui Libé prête le prénom de "Lise". Très vite, la relation bascule dans le harcèlement et ce dernier devient oppressant, la bombarde de SMS. Un soir, il la convoque chez lui plutôt qu'au siège du Parti socialiste. "J'ai dû le masturber pour m'en débarrasser. Il disait : 'Comme tu as dit oui une fois, tu ne peux plus dire non maintenant'".
Aurore, elle, entretient une relation amoureuse avec lui en 2011, avant qu'il ne devienne président du MJS. Un soir, alors qu'elle souhaite rejoindre seule son appartement, Thierry Marchal-Beck insiste pour la raccompagner. Malgré tous ses efforts, la jeune femme n'arrive pas à s'en débarrasser. "Devant la porte de l'appartement, il me plaque contre le mur, commence à m'embrasser de force, raconte-t-elle. Je mens et je dis qu'un de mes cousins dort à l'intérieur. (...) Pour ne pas que cela aille plus loin, je me sens obligée de lui faire une fellation. Je veux qu'il s'arrête, que son harcèlement s'arrête. Il part tout de suite après".
Puis suivent les témoignages de Marie, dont la carrière politique a pris fin après avoir refusé les avances de Thierry Marchal-Beck : "En fait, plus je disais non, plus il disait à tout le monde que je n'étais pas digne de confiance". De Diane, à l'époque responsable fédérale en province et membre du bureau national, qui lors d'un point dans le bureau du président, le voit fermer la porte, enlever sa ceinture et ouvrir sa braguette : "Il prend ma tête, l'approche de son sexe pour m'obliger à lui faire une fellation. Je le repousse très fort, je l'insulte et je pars en courant".
Louise et Blandine ont été toutes deux confrontées à lui en 2012 lors d'un déplacement à Bruxelles. "On ne se connaît pas, il arrive et il me pelote vigoureusement" (les seins, ndlr), raconte aujourd'hui la première, encore stupéfaite que cette scène se soit déroulée devant plusieurs témoins dont il ne se souciait guère. Ce même jour, en coinçant Blandine dans le couloir d'un bar bruxellois et en passant les mains sous son tee-shirt, il lui assure qu'elle ne se souviendra "de rien le lendemain".
Contacté par Libé, Thierry Marchal-Beck "sidéré" a refusé "de se livrer à un exercice biaisé de questions-réponses", ajoutant qu'il se tenait "naturellement" à la disposition de la justice et se "réserve le droit d'engager toute procédure". Les faits sont prescrits pour plusieurs de ces femmes. Mais deux d'entre elles songeraient à déposer plainte.
Laurianne Deniaud, ancienne dirigeante du MJS, a affirmé au micro d'Europe 1 ce mercredi matin (15 novembre), avoir eu "froid dans le dos en écoutant les témoignages" de ces femmes. "Ça m'a rendu malade, c'est quelqu'un que j'ai beaucoup côtoyé. Il faisait partie de mon équipe quand j'étais présidente du MJS", a rappelé celle qui est désormais première adjointe au maire de Saint-Nazaire. Même constat du côté de l'actuel président du MJS, Benjamin Lucas, qui a réagi sur Facebook en condamnant "sans réserve de tels actes ". "Je suis révulsé par des comportements qui insultent nos valeurs, celles du MJS", a-t-il commenté, soutenant "la courageuse décision de briser le silence".
La secrétaire nationale du PS, Rita Maalouf, en charge des droits des femmes, a déclaré à l'AFP qu'elle demandait "officiellement son exclusion dans les plus brefs délais, en tant que secrétaire nationale femmes". Cette dernière a également appelé à la création d'"une formation obligatoire sur ces questions pour les militants, les cadres et les élus", en réclamant que le harcèlement devienne désormais un "motif d'exclusion".
Dans un communiqué publié mardi soir, le Parti socialiste a estimé que "ces témoignages (...) d'une extrême gravité" ne sauraient "rester sans suites judiciaires adéquates" et a réaffirmé son engagement en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes. "Le Parti socialiste sera intransigeant dans ce combat et sera aux côtés de toutes les victimes", a-t-il martelé.
Ces révélations, qui font suite à l'affaire Weinstein et à la libération de la parole des femmes, ont été saluées par les féministes Caroline De Haas, Emmanuelle Piet, Clara Gonzales et Marie Cervetti. Dans un communiqué publié sur Twitter, le collectif à l'origine de la campagne #1femmesur2 rappelle que "les agresseurs sont dans tous les partis ou mouvements politiques, les syndicats, les entreprises, les administrations ou les hôpitaux".
Une nouvelle fois, les militantes féministes appellent le président Macron "à prendre des mesures immédiates. Nous ne pouvons pas attendre : chaque jour, dans notre pays, des femmes sont violentées".
Ce scandale n'est pas sans rappeler l'affaire Baupin, qui en 2016 déjà, pointait du doigt le sexisme exacerbé de la sphère politique. Le député ex-EELV, vice-président de l'Assemblée nationale lors des révélations, avait été accusé de violences sexuelles par 8 femmes sur France Inter et Mediapart. Des faits qui se seraient déroulés entre 1998 et 2014. L'affaire a été portée devant la justice par plusieurs victimes, parmi lesquelles l'ancienne porte-parole de EELV Sandrine Rousseau.