À quand remonte la dernière fois où vous avez travaillé, lu ou même écrit quelque chose sans écouter de la musique, checké compulsivement vos e-mails et/ou consulté votre page Facebook en même temps ? Vous ne vous en souvenez pas ? Bienvenue au club.
À la fois mal et bénédiction du XXI siècle, le multitasking est devenu, au fil des années et du développement des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication), l'une des composantes de notre façon de travailler. Toujours accaparés par quelque chose de plus intéressant ou important à faire, nous délaissons pour deux secondes, deux minutes ou deux heures nos autres missions, avant de nous y reporter à nouveau, souvent non sans mal.
Car le multitasking est traître. Nous donnant la relative impression de contrôler ce sur quoi nous travaillons, il s'avère en réalité chronophage et paralysant. Qui peut parvenir à avancer correctement sur un quelconque dossier si son attention est reportée toutes les dix minutes sur autre chose ?
Le multitasking n'est pas seulement chronophage. Il a aussi des conséquences directes sur nos capacités de concentration. Selon une étude parue en 2014 dans le Journal of Experimental Psychology, détourner son attention ne serait-ce que deux ou trois secondes – c'est-à-dire le temps qu'il nous faut généralement pour passer d'un dossier à la consultation de notre boîte mail – suffit pour doubler le nombre d'erreurs dans la tâche que nous étions en train d'accomplir.
Une autre étude, celle-ci datant de 2013, montre qu'essayer d'accomplir plusieurs actions en même temps affecte fortement nos performances, en particulier lorsque nous devons émettre des jugements précis et complexes. Enfin, en 2009, une dernière étude réalisée par l'Université de Stanford a révélé que les "multitaskers" consultant plusieurs écrans en même temps étaient aussi ceux qui étaient le plus facilement distraits et dont la concentration était fortement limitée dans le temps.
Si le multitasking a un impact aussi négatif sur notre productivité et notre capacité de concentration, pourquoi continuons-nous à y avoir recours ? "Les gadgets que nous possédons et toutes les choses que nous consultons sont conçus pour ne pas nous laisser accomplir une seule tâche", explique au New York Times Manoush Zomorodi, auteure du Podcast 'Not to Self' sur WNYC Studios, et qui a récemment organisé Infomagical, une expérience interactive d'une semaine pour lutter contre les effets de la surinformation. "Nous n'en parlions pas avant tout simplement parce que nous n'étions pas aussi facilement distraits", poursuit-elle, avant d'expliquer qu'elle préfère parle de "singletasking" plutôt que de "monotasking". "Je n'aime pas ce terme, il me fait penser à 'monotone'".
Car se concentrer sur une seule et même tâche jusqu'à ce qu'elle soit accomplie n'a en réalité rien de monotone. Ce serait même, selon les spécialistes, notre planche de salut pour redevenir aussi productifs et concentrés qu'avant l'arrivée dans nos vies des tablettes et autres smartphones.
Selon la psychologue et professeure à Stanford Kelly McGonigal, se concentrer sur une seule activité à la fois pourrait même nous réconcilier avec notre job, en rendant notre charge de travail bien plus agréable à accomplir. Le monotasking est "une capacité importante et une forme de conscience de soi, par opposition à une limitation cognitive" du multitasking, affirme-t-elle.
Par ailleurs, ne faire qu'une seule chose à la fois pourrait nous aider à ne pas rentrer éreintés de nos journées au travail. "Même si on aime croire le contraire, les humains ont des ressources neuronales limitées. Elles s'épuisent chaque fois que nous passons d'une tâche à une autre, en particulier lorsque l'on travaille sur ordinateur, explique Manoush Zomorodi. Or, d'après une étude de l'Université de Californie à Irvine publiée cette année, lorsque nous travaillons en ligne, nous pouvons être distraits jusqu'à 400 fois par jour. "Voilà pourquoi vous vous sentez fatigué à la fin de la journée. Vous avez épuisé toutes vos ressources."