Dylan Farrow va-t-elle enfin être entendue, crue, par Hollywood ? Alors que la jeune femme n'a jamais varié d'un pouce le récit de cette fameuse journée de 1992 au cours de laquelle son père adoptif Woody Allen aurait sexuellement abusé d'elle, il semble enfin que ses graves accusations aient trouvé une oreille attentive.
Dans un entretien exclusif accordé à la chaîne américaine CBS, Dylan Farrow a évoqué pour la première fois à visage découvert l'agression sexuelle qu'elle a subi et a réitéré fermement ses accusations contre le réalisateur.
Sans maquillage, le regard grave, Dylan Farrow, 32 ans aujourd'hui, profite sans aucun doute du contexte. Alors qu'à la dernière cérémonie des Golden Globes, actrices et acteurs sont montés vent debout pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles que subissent quotidiennement les femmes dans l'industrie du cinéma, Dylan Farrow espère que cette fois-ci, Woody Allen ne sera pas épargné par le mouvement Time's Up.
Interrogée par la journaliste Gayle King, Dylan Farrow a une fois de plus raconté son histoire, glaçante, la même qu'elle avait écrite dans une longue lettre ouverte au New York Times en février 2014.
L'agression aurait eu lieu, affirme Dylan Farrow, dans la maison de campagne de sa mère, Mia Farrow, dans le Connecticut, le 4 août 1992. Dylan avait alors sept ans.
"Woody Allen m'a pris par la main et m'a conduit dans un grenier sombre au deuxième étage de notre maison. Il m'a dit de m'allonger sur le ventre et de jouer avec le train électrique de mon frère. Puis il m'a agressée sexuellement. Il continuait de me parler en le faisant, chuchotant que j'étais une gentille fille, que c'était notre secret, que nous irions à Paris, qu'il ferait de moi une star de cinéma. Je me souviens avoir regardé le train électrique, me concentrant sur lui pendant qu'il faisait le tour du grenier. Encore aujourd'hui, j'ai du mal à regarder les petits trains électriques", détaillait Dylan Farrow dans sa lettre du New York Times.
Déterminé, la jeune femme a renouvelé ses accusations dans son interview à CBS, ajoutant que Woody Allen lui demandait souvent "de venir au lit avec lui quand il portait juste des sous-vêtements". "Et parfois je portais seulement des sous-vêtements moi-même", a-t-elle ajouté.
"Cela fait vingt ans que je répète les mêmes accusations et j'ai été systématiquement réduite au silence, ignorée ou discréditée. Cela a été très important pour moi de voir que cette conversation se tenait enfin en public", a conclu Dylan Farrow, qui espère que cette fois-ci, ses accusations ne resteront pas ignorées.
Si c'est la première fois que Dylan Farrow accuse publiquement Woody Allen d'agression sexuelle à la télévision américaine, de telles allégations ont déjà été formulées auparavant : en 2014 dans le New York et en 1992, par Mia Farrow. Alors en pleine procédure de divorce avec le réalisateur, l'actrice de Rosemary's Baby l'avait accusé d'avoir abusé de Dylan. Des allégations niées par Woody Allen, qui accuse son ex-femme de manipulation pour obtenir la garde de leurs enfants. Cette dernière venait en effet de découvrir que le réalisateur entretenait une liaison avec leur fille adoptive Soon-Yi Previn, alors âgée de 19 ans. Une enquête a été ouverte mais le réalisateur n'a jamais été arrêté ou poursuivi en justice. En 1995, un tribunal new-yorkais avait toutefois décidé d'interdire à Woody Allen de voir Dylan Farrow.
Depuis, la famille Allen-Farrow se déchire par médias interposés. Ronan Farrow, le frère de Dylan, a toujours soutenu la version donnée par sa soeur. Grand défenseur des droits des femmes, il est le journaliste qui a signé l'enquête du New Yorker, à l'origine de la chute du producteur Harvey Weinstein, accusé par de multiples femmes d'agression sexuelle, de harcèlement et de viol. Un autre frère de Dylan Farrow, Moses, a quant à lui apporté son soutien à Woody Allen, affirmant que sa mère avait manipulé Dylan Farrow.
Woody Allen n'a pas tardé à réagir à l'interview donnée par Dylan Farrow. Par voie de presse, le cinéaste a une nouvelle fois réfuté les accusations portées par sa fille adoptive et rappelé que "la première fois que cette accusation a été portée (...), elle a fait l'objet d'une investigation complète" de la part des services de protection de l'enfance du Connecticut et de New York. "Les deux ont enquêté pendant des mois et conclu, de façon indépendante, qu'il n'y avait jamais eu d'abus. Elles ont considéré au contraire qu'il était probable qu'une enfant vulnérable ait été entraînée à raconter cette histoire par une mère en colère durant une acrimonieuse séparation", affirme le démenti.
Jusqu'ici relativement épargné par la déferlante #MeToo et le mouvement Time's Up, Woody Allen pourrait bien subir un retour de bâton espéré depuis longtemps par Dylan Farrow. Alors que qu'il y a quelques années, rares étaient les actrices et acteurs à avoir pris parti dans l'affaire qui oppose Woody Allen à sa fille, les choses sont enfin en train de bouger pour la jeune femme.
Le 10 décembre dernier, suite à la publication dans le Los Angeles Times d'une nouvelle lettre dans laquelle Dylan Farrow critique l'hypocrisie d'Hollywood, Jessica Chastain, Natalie Portman et Reese Witherspoon lui ont officiellement apporté leur soutien. "Je te crois, Dylan", a déclaré Natalie Portman sur le plateau de CBS Morning cette semaine, bientôt rejointe par America Ferrara ou encore Shonda Rhimes.
Nombreux sont aussi les comédiens à avoir publiquement pris leurs distances avec le réalisateur. C'est le cas de Greta Gerwig ou de Mira Sorvino, qui ont déclaré qu'elles ne tourneraient plus jamais pour lui. Même chose pour Colin Firth ou Ellen Page. Apparue dans le film To Rome with Love, la comédienne a expliqué qu'avoir travaillé avec Woody Allen était "son plus grand regret".
Quant à Rebecca Hall et Timothée Chalmet, bientôt à l'affiche du dernier film du réalisateur, A Rainy Day in New York, ils ont tous deux annoncé qu'ils reversaient l'intégralité de leur cachet à Time's Up et à des associations de défense des droits des personnes LGBT.