Cinéma : "Gloria !", un portrait de femme musical et audacieux qui fait rimer sororité et symphonie
L'envoûtant "Gloria !", à découvrir en salles dès ce 12 juin, nous fait voyager dans la Venise du 18ème siècle, à travers le regard d'une jeune fille dévoilant un talent inouï pour la création musicale. Un film euphorisant sur l'harmonie de la voix des femmes dans un monde d'hommes.
Créer en silence, c'est ce que l'on exige aux jeunes filles de l'Institut Sant'Ignazio, orphelinat italien et très strict conservatoire. Dans cette Venise du 18ème siècle, ces femmes anonymes patientent en vue d'offrir au Pape Pie VII le concert symphonique qu'il mérite. Mais c'est des doigts de la très discrète et solitaire domestique Teresa que la magie va opérer...
Cette protagoniste incarnée avec beaucoup de conviction par Galatea Bellugi, l'une des révélations de l'excellent Chien de la Casse, ne voit le monde qu'à travers la musique qu'il offre, et ne décochera son premier mot... qu'au bout de 35 minutes de métrage.
Ce n'est d'ailleurs pas le plus mince des exploits que propose avec une salutaire audace la cinéaste Margherita Vicario dans ce portrait de femme d'une grande justesse... Et pas dépourvu d'audace.
D'abord observatrice des concerts d'autrui, la timide Teresa va peu à peu s'approprier un piano-forte, qu'elle va transcender de ses doigts, l'usant la nuit, loin du regard des hommes autoritaires, en compagnie de ses consoeurs. S'installe dès lors une réjouissante sororité. Gloria! est avant tout un film sur la parole des femmes...
Dès la séquence d'introduction, où l'environnement alentour se métamorphose peu à peu en véritable comédie musicale, le public est amené à épouser le regard féminin, celui de Teresa, fille songeuse, mutique et introspective, mystérieuse et extrêmement attentive. Galatea Bellugi au photocall du film Tralala (séance de minuit) lors du 74ème festival international du film de Cannes le 14 juillet 2021 © Borde / Jacovides / Moreau / Bestimage
La musique est pour elle un langage, une alternative aux mots qu'elle n'a pas droit d'exprimer. On pense dès lors à une autre interprète qui a marqué notre mémoire de cinéphile : Ada, l'héroïne mélomane et tout aussi mutique du chef d'oeuvre de Jane Campion, La leçon de piano. Galatéa Bellugi au photocall de la cérémonie de clôture de la 8ème édition du Champs-Élysées Film Festival (CEFF) au Théâtre Marigny à Paris, France, le 25 juin 2019. © Giancarlo Gorassini/Bestimage
Margherita Vicario va donc à la fois mettre en scène la création musicale comme un geste intimiste, fait individuellement, de manière confidentielle, et qui suscite chez Teresa une profonde euphorie, mais aussi collectif, comme les prémices d'une révolution - les jeunes femmes de l'orphelinat évoquent d'ailleurs la Révolution Française et ne jurent que par une promesse : "Liberté Egalité Fraternité". Un désir de justice qui passe par la musique. Galatea Bellugi au photocall du film Tralala (séance de minuit) lors du 74ème festival international du film de Cannes le 14 juillet 2021 © Borde / Jacovides / Moreau / Bestimage
Et si ces mélodies soigneusement saisies par la caméra sont très caractéristiques de leur siècle, le film propose également une bande originale qui n'hésite pas à glisser... Vers l'électro ! Photocall des participants au dîner des nommés des César 2024 au Fouquet's Paris le 5 février 2024. © Federico Pestellini / Panoramic / Bestimage
Un élan de modernité pop tout à fait réjouissant qui démontre une chose : la force féministe de ce récit est absolument moderne. Une expérience sonore enthousiasmante qui exige d'être vécue sur un siège, dans une salle obscure, comme le ferait un public à un concert. Galatea Bellugi - Photocall de la 49ème édition de la cérémonie des César à l'Olympia à Paris le 23 février 2024 © Dominique Jacovides / Olivier Borde / Bestimage