Première footballeuse française professionnelle, longtemps détentrice du record de buts des Bleues en équipe de France, Marinette Pichon est une véritable légende dans le monde du ballon rond. Mais elle est aussi la première joueuse lesbienne à avoir fait son coming out publiquement, dans un milieu largement hétéronormé. Un exploit loin d'être moins admirable.
De ses premiers tirs au tout début des années 90 sur les stades de Châlons-en-Champagne à son apogée pro aux Etats-Unis, l'histoire de Marinette Pichon est celle d'une ascension, oui, mais c'est aussi un récit profondément politique qui fait d'autant plus écho aujourd'hui.
L'odyssée d'une sportive qui n'a jamais cessé de défendre la légitimité du foot féminin, en dénonçant les inégalités salariales et le sexisme ordinaire qui pèsent sur ses championnes - en 2023, toujours. La lutte d'une joueuse lesbienne également, qui se mobilise pour les droits des personnes LGBT, que ce soit dans le sport - une sphère où le sujet est tabou - ou ailleurs.
Autrement dit : un vrai exemple d'empowerment pour des générations de filles et de femmes.
C'est indéniable, ce parcours-là est inspirant. Pour toutes les sportives, et les femmes en général. Il méritait bien sa transposition à l'écran. C'est désormais chose faite avec le bien nommé Marinette, une oeuvre enthousiasmante qui permet à la réalisatrice Virginie Verrier de jongler entre atmosphère électrisante et réalisme brut de décoffrage.
Un ascenseur émotionnel garanti à découvrir en salles ce 7 juin, que vous chaussiez ou non les crampons.
"Qu'est ce qu'il y a les gars, vous avez jamais vu une fille ? Un peu de nouveauté, ca vous fera pas de mal", balance le tout premier entraîneur de Marinette Pichon (Fred Testot, étonnant de sobriété) lorsqu'elle celle-ci s'apprête, encore toute gamine, à délivrer en pleine équipe masculine une vraie leçon de football.
Celle que sa mère surnomme "ma poulette" sait qu'elle est spéciale : bien avant son adolescence (rebelle), elle préfère les cartes Panini aux Barbie, et privilégie les jogging en terme de lifestyle, car "les robes, ça fait nul".
Cette différence, Garance Marillier, qui nous a marqué la rétine dans le traumatisant Grave de Julia Ducournau, l'incarne avec conviction, habitant le rôle-titre avec beaucoup de nervosité et de colère.
Colère contre quoi ? Contre les remarques sexistes des mecs qui l'appellent "la gonzesse" et lui recommandent de "jouer à la poupée". Contre un père alcoolique qui bat sa mère et prend un malin plaisir à ruiner ses rêves persos. Contre un système qui semble nourrir une rivalité entre les joueuses, alors que ces messieurs jouissent de tous les privilèges. Qu'importe, Marinette le dit : "Je suis aussi bonne, et même meilleure que tous les mecs".
D'un côté, la rage, de vaincre et de vivre, de l'autre, la joie, celle d'un accomplissement qui va bientôt éclater dans sa carrière : entrée en première division, victoire à l'Euro... Marinette, c'est ça : un passement de jambes continu entre l'euphorie et la mélancolie.
Cette mélancolie, elle recouvre les étendues de terrains de foot, de pâturages, de forêts et de ciels submergés par les couleurs du soleil couchant, panoramas saisis dans de larges cadres contemplatifs.
Une mise en scène qui met en évidence à travers tout ce spleen les rêveries, les doutes et l'isolement de la sportive pro : car Marinette est avant tout un film sur les solitudes au féminin, des introspections de sa jeune protagoniste aux scènes dédiées à sa mère (la toujours admirable Emilie Dequenne), victime de violences conjugales, physiques et sexistes, visage d'une génération antérieure qui veut voir celle de demain triompher, et exulter.
A ce titre, la réalisation va se faire beaucoup plus dynamique lors de matchs tendus où la footballeuse excelle. Des séquences rythmées au son d'une soundtrack qui nous électrise et relate l'excitation des victoires façon Rocky Balboa. A la fois hyper enthousiaste et impulsive, Marinette est lors de ces performances, comme dans la vie : une véritable jeune fille en feu.
D'ailleurs, tout le film durant, on se demande ce que représentent ses incessantes courses frénétiques sur la pelouse : est-ce que la joueuse sprinte pour atteindre ses rêves... Ou pour fuir une réalité, familiale notamment, qui l'accable ? Ou les deux ? Une question passionnante qui restera en suspens.
Marinette est en tout cas un film qui touche son but : le coeur.
Marinette, de Virginie Verrier
Avec Garance Marilier, Fred Testot, Emilie Dequenne, Sylvie Testud, Alban Lenoir...
Sortie le 7 juin