A 81 ans, l'iconique Martha Stewart fait la Une "glamour" de Sports Illustrated : mais faut-il vraiment s'en réjouir ?

C'est une légende la cuisine, de la télévision, et un peu des deux : la très influente business woman Martha Stewart est une véritable institution outre-atlantique. Les réseaux sociaux ne se lassent notamment pas du duo improbable qu'elle a pu former à l'antenne avec le rappeur Snoop Dogg, au sein de l'émission qu'ils partagent. Mais c'est pour une toute autre raison que la personnalité médiatique a défrayé la chronique ce mois-ci.

A savoir ? Simple : Martha Stewart a fait la couv du dernier numéro de la célèbre revue Sports Illustrated Swimsuit Edition. Cette Une n'est pas née de rien : la série de photos que l'on retrouve dans la revue a été proposée à la star des bons petits plats dès fin 2022, le tournage a eu lieu en janvier, et ce n'est qu'en mai qu'elle nous parvient désormais. Travail de longue haleine, et plutôt stylé : Martha Stewart apparaît en mode glamour, lumineuse, fière d'écrire l'Histoire : car faire la couv d'un tel magazine à 81 ans, oui oui, c'est historique.

"Essayer de nouvelles choses, c'est très bien. Ne jamais avoir peur, c'est très bien. N'ayez peur de rien", balance d'ailleurs la présentatrice de télé américaine dans ce numéro. Un message, et des images, qui réjouissent, et qui interrogent aussi, jusqu'à cliver le public. Mais pourquoi au juste ?

Sur cette Une très estivale comme sur le shooting qui l'accompagne (dans une piscine, au soleil, en maillot de bain), on se plaît à voir en Martha Stewart une franche réponse à l'âgisme. A savoir ? Les discriminations multiples que subissent les personnes seniors, et notamment les femmes, soumises à toutes sortes d'injonctions, ignorées de la sphère pro, mises à l'écart. C'est ce que la journaliste Sophie Dancourt, rédactrice en cheffe du média féministe J'ai piscine avec Simone, appelle "l'injonction à disparaître". Au moins, c'est clair...

Et dans cette catégorie, on ne peut que s'enthousiasmer de voir Martha Stewart rayonner ainsi. En fait, cette initiative nous rappelle beaucoup la Une du "Vogue" british au sein de laquelle est venue trôner Judi Dench en 2020. L'actrice elle aussi octogénaire, interprète de l'emblématique "M" de la saga James Bond, flamboyait au sein de cette Une positive et sensuelle. La classe, de la part d'une grande dame du cinéma britannique.

Voir les femmes octogénaires revendiquer leur place au sein de la scène médiatique, et de ses Unes, c'est enthousiasmant, dans une société obsédée par la jeunisme et jamais tendre avec les femmes, d'autant plus d'ailleurs dans des sphères qui misent tout sur l'image - et surtout, sur tous les diktats qui l'accompagnent. Mais n'empêche, on pourrait s'interroger : pourquoi faut-il que cette inclusion, ces représentations, passent par des médias valorisant le glamour à tout prix, la mise en scène forcément policée des corps féminins ?

Pourquoi il faut attendre des magazines avec "maillot de bain" écrit dessus pour observer cette visibilité si importante, et surtout, le retentissement qui va avec ? Et ce par le biais d'une esthétique misant avant tout sur la séduction, le "sexy", des codes photographiques souvent imprégnés du regard masculin ?

La question et épineuse, car elle suggère de bousculer tout un univers mainstream, mais elle mérite d'être posée. Surtout lorsque l'on parle de véritables "role models" : de sources d'inspiration, quelle que soit la génération. D'ailleurs, le Guardian n'y manque pas, et met franchement les pieds dans le plat : "La Une de Sports Illustrated est-elle vraiment une victoire pour les femmes ?". Introspection complexe, tant Martha Stewart semble prôner l'émancipation et le plaisir d'être soi avec ces clichés...

Nous aussi, on se pose la question avec une douce perplexité. Mais cela ne nous empêche pas de le rappeler : oui oui, Martha Stewart est bel et bien la femme la plus âgée à s'être imposée sur la Une de "Sports Illustrated", une revue qui fêtera l'an prochain ses soixante dix ans d'existence.

Rien que pour cela, bravo Martha.