Avez-vous déjà eu l'impression que tout le monde vous observait ? Une sensation de parano des plus désagréables, mêlée de culpabilité, qui peut sembler absurde, mais qui en vérité n'a rien d'incongru. De nombreuses études se dédient même à ce qui, loin d'une impression subjective, a tout du phénomène psychologique familier.
Phénomène, et plus exactement biais cognitif. Ce biais singulier, bien connu des experts, s'intitule l'effet de projecteur. Dans la langue de Shakespeare, le spotlight effect. Cela fait plus de vingt ans que ce qualificatif a été pour la première fois employé outre-atlantique dans le cadre des recherches de Thomas Gilovich et Kenneth Savitsky. Et les plus introvertis d'entre vous savent bien à quel point c'est une expérience horrifiante.
Et ce biais cognitif est encore plus complexe qu'on ne pourrait le croire.
L'effet de projecteur, comme tous les biais, est une déformation subjective de la réalité en fonction de son propre ressenti et point de vue. Ce ressenti est malmené par une forme évidente de pression sociale et d'anxiété. C'est pour cela que ce phénomène se décline volontiers de la vie privée à la vie professionnelle. Et bien évidemment, il a rarement trait à des expériences et pensées tout à fait positives.
C'est là le propre de l'anxiété sociale, qui vrille parfois à l'irraisonnable. Comme l'énonce le site Very Well Mind, "l'anxiété sociale est bien plus qu'une simple nervosité : elle reflète les différences dans l'activité cérébrale et les réactions diverses à votre environnement. Avec l'anxiété sociale, vous savez peut-être que vos sentiments sont irrationnels, mais vous ne pouvez pas modifier ce que vous ressentez".
"On est toujours plus sensible à ce qu'on voit soi-même, et on est beaucoup moins au centre de l'attention des autres qu'au centre de la nôtre. On sous-estime à quel point on n'est pas le centre du monde, en particulier dans des situations désagréables ou embarrassantes où on s'imagine que tout le monde le remarque", décrypte l'enseignant et consultant Olivier Sibony au site du guide de l'emploi Welcome to the jungle.
Cela peut engendrer malaise, inquiétude et honte. Normal dans une société où chacun a l'impression de dépendre du regard d'autrui et de ses jugements. Ce qui n'aide en rien à accroître la confiance en soi, ni à encourager la force d'initiative, l'audace, l'épanouissement personnel.
C'est pour cela, poursuit Welcome to the jungle, que ce biais est particulièrement intense dans certaines périodes de notre vie. Comme l'adolescence. "Les situations d'anxiété sociale sont probablement beaucoup plus perceptibles par les ados, c'est un âge où la pression des pairs est très forte", témoigne à ce titre Olivier Sibony.
Et pourtant, rappelle le magazine Healthline, l'effet de projecteur est avant tout "une erreur de raisonnement" associée "à ses propres besoins, ses responsabilités et les aspects de la vie qui comptent le plus pour nous". De fait, "ce biais se traduit souvent par des observations qui ne sont pas tout à fait exactes". Malgré tout, savoir cela ne nous empêche pas de traîner derrière nous ce phénomène lancinant qui pèse beaucoup.
A cette impression sourde d'être observé dans nos moindres faits et gestes s'entremêle une sensation voisine : cette déception lorsque les autres ne semblent pas remarquer ce qui a changé chez nous. Notre coiffure, notre look, nos lunettes. Si cela semble antinomique (chercher le regard plutôt que le fuir), force est de constater que nous exprimons là encore notre dépendance au regard d'autrui.
Et dans le cas présent, à son adhésion. Tout au final rejoint le même enjeu : la pression sociale. Comme l'énonce cette étude du magazine en ligne Psychology Today, "nous avons souvent l'impression d'être sous le feu des projecteurs et que les gens remarquent beaucoup de choses sur notre apparence, mais beaucoup de détails de notre apparence sont invisibles, et les gens ne remarquent et n'encodent que des quantités limitées d'informations les uns sur les autres".
En somme, achève la revue spécialisée, "nous nous soucions de ce que les gens voient". Essayer de s'émanciper de cette anxiété est un bon premier pas vers un meilleur contrôle de ce biais cognitif qui peut générer complexes et angoisse. Le plus important, relève Welcome to the Jungle, est d'essayer de s'apaiser soi-même. Eprouver plus de compassion envers soi, accepter ses émotions, même les plus négatives, ainsi que ses imperfections.
Le site spécialisé Very Well Mind décoche quelques conseils supplémentaires si vous souffrez de ce biais fâcheux : évoquer sa nervosité à un thérapeute ou à un médecin pour discuter des options de traitement potentielles, comme la thérapie par la parole, afin d'être davantage habilité à gérer l'anxiété sociale.