A trop vouloir domestiquer et aseptiser le corps humain, nous transformons des gestes d'hygiène en gestes nocifs. La douche vaginale est un parfait exemple de ces dérives. Elle consiste à se nettoyer l'intérieur du vagin en y introduisant de l'eau à l'aide d'une poire de lavement. L'eau peut être pure, mais le plus souvent, les femmes y ajoutent des produits lavants ou antiseptiques, quand ce n'est pas d'absurdes "ingrédients maison" comme du vinaigre, du bicarbonate de soude ou de l'iode.
Cette pratique est relativement répandue dans le monde, comme le rappelle Le Figaro : bien qu'il n'y ait pas eu d'études qui permettent de chiffrer précisément le nombre d'adeptes en France, elles représentent plus de 25% des femmes aux États-Unis, et 75% en Egypte ou au Cambodge par exemple.
"Ces douches sont simplement nocives", explique Sherry Ross, gynécologue et expert de la santé des femmes, au Huffington Post . "Il n'y a absolument rien qui les justifie. C'est juste du marketing poussé à l'excès, de convaincre les femmes que leur vagin doit sentir bon les fleurs des tropiques !"
Qu'on se passe donc le mot : un vagin n'est pas "sale". Il possède son propre système de nettoyage, une flore bactérienne efficace qui se charge d'éliminer toutes les impuretés. Et il se passerait bien de votre aide : de fait, les douches intimes ne nettoient pas le vagin, elles se contentent de dérégler son système d'auto-nettoyage en tuant les bactéries qui se débarrassaient des saletés. Ironique, n'est-ce pas ?
De ce fait, les douches intimes ont en fait l'effet inverse que celui escompté, et peuvent même provoquer une multitude d'infections. En détruisant les défenses naturelles présentes dans nos vagins, ce lavement tant décrié est notamment la première cause de mycoses vaginales, soit l'infection vaginale la plus répandue chez les femmes de 15 à 44 ans, selon le Centre de Contrôle et de Prévention des Maladies. Et si l'on peut facilement soigner une mycose avec une bonne dose d'antibiotiques, sachez que la multiplication d'infections vaginales augmente considérablement le risque de fausses couches et de grossesses extra-utérines. Ainsi que de cancers des ovaires.
En effet, une étude récente menée aux États-Unis par le National Institute of Environmental Health Sciences a démontré que les femmes qui pratiquaient régulièrement ces lavements intimes doublaient le risque de développer un cancer des ovaires.
Cette étude, publiée en juin 2016 dans le journal de recherches médicales Epidemiology , s'est servie des données récoltées sur plusieurs années par "The Sister Study", un programme américain qui a suivi de près la santé de 50 884 femmes ayant une soeur atteinte d'un cancer du sein. Après les avoir interrogées sur leurs habitudes d'hygiène intime pendant plusieurs années, la sentence est tombée : alors que le talc vaginal, soupçonné au départ d'être cancérigène, a été innocenté, il apparaît très clairement que la pratique de douches vaginales multiplie par deux le risque de cancer des ovaires.
Cela ne veut pas dire que toutes les femmes qui font des douches vaginales développeront automatiquement des cancers des ovaires ; mais c'est donc un facteur de risque important, au même titre que fumer augmente considérablement vos chances d'avoir un cancer des poumons.
Cela serait dû aux phtalates, des particules chimiques présentes dans les douches et les savons intimes. Ce sont "des particules qui dérèglent le système endocrinien en interférant avec nos hormones naturelles", explique le professeur Clarice Weinberg, du National Institute of Environmental Health Sciences. "De ce fait, ils pourraient endommager les organes reproducteurs comme les trompes de Fallope ou les ovaires en passant dans le sang depuis le vagin", avance-t-elle.
Dans son Petit manuel de soins intimes pour les femmes , le Dr Marie-Claude Benattar explique qu'en guise d'hygiène intime, laisser couler de l'eau savonneuse sur son sexe lors de la douche suffit amplement. "Celles qui utilisent une lingette antiseptique ou se lavent après être passées aux toilettes, celles qui se savonnent deux ou trois fois dans la journée, ou encore avant et après les rapports, vont au-delà de l'hygiène. Elles agressent leur sexe et souffrent chroniquement de brûlures, de démangeaisons, de gerçures", avertit-elle.
Tenez-le vous pour dit : dans ce domaine, le mieux est l'ennemi du bien.