Non, Christine Janin n’a jamais souffert de cancer. Oui, comme tout un chacun, elle a vu disparaître pas mal de monde autour d’elle des suites de ce fléau. Mais elle en a vu bien plus qui s’en sont sortis. Depuis 1994, sa maison de Chamonix a accueilli plus de 3200 enfants par groupes de 12 ou 15, pour des séjours sportifs d’accompagnement dans l'« après cancer ». Aujourd’hui, elle élargit sa mission aux femmes en fin de traitement ou en rémission de cancer du sein : « pour les femmes comme pour les enfants, l’après cancer est difficile, on est à part, on devrait reprendre une vie normale mais plus rien n’est comme avant, et il faut apprendre à vivre avec. Les cas de dépression sont fréquents », explique-t-elle.
Médecin de formation, devenue alpiniste par un concours de circonstances, Christine Janin, du haut son mètre cinquante sept, a gravi les plus hauts sommets de chaque continent. A 35 ans, alors qu’elle se demande comment elle va bien pouvoir « redescendre », se reconstruire une vie plus normale, et surtout moins dangereuse, on lui demande de raconter ses expéditions aux enfants du service d’oncologie pédiatrique de l’hôpital Trousseau à Paris. La passerelle est lancée, et la métaphore entre la difficulté de l’ascension d’un sommet et celle du chemin vers la guérison s’impose très vite : « je comprends alors que leur combat est un Everest, je leur dis qu’ils ont les qualités des grands champions et qu’ils ont atteint un sommet, plus beau, plus fort, le leur ». Comment faire après cela pour ne pas les emmener à la montagne ?
Victoire sur toute la ligne. Après avoir retapé cette grande maison au pied du Mont Blanc, les séjours se sont enchaînés au fil des années. Gratuits, entièrement pris en charge par l’association qui finance le tout grâce à des dons privés, ces stages sont offerts à tous les enfants en fin de traitement de cancer en association étroite avec leurs médecins. « Il est désormais prouvé scientifiquement que le sport, la marche et le bien-être psychique aident à mieux guérir », argue Christine, qui a fait le constat du manque d’accompagnement psychologique des patients de tous âges. D’où l’idée d’ouvrir les séjours aux femmes atteintes de cancer du sein : « On parle beaucoup du cancer du sein -53 000 nouveaux cas par an-, et beaucoup de choses sont faites, mais en dehors du circuit médical, il y a peu de prise en charge. »
Mais on ne reçoit pas un groupe de femmes comme on accueille des enfants. « Avec elles, je suis une femme parmi les femmes, je suis beaucoup plus impliquée par nos échanges, et leur fragilité me touche ». Le sport, la marche en montagne et l'escalade jouent leur rôle à plein pour permettre aux femmes de reprendre confiance dans leur corps, mais les longues soirées de discussion sont tout aussi salvatrices. « Il ne s’agit pas d’un camp de vacances pour cancéreuses, mais bien de laisser chacune répondre à ses propres problématiques, les activités servent de support à ce recentrage sur la vie et sur soi ». Se retrouver, cela passe aussi par des retrouvailles avec sa féminité : la maison offre des soins d’esthétique, du yoga, des massages, mais aussi un suivi psychologique à ses résidentes.
Après les deux premiers séjours, autofinancés, Christine a déposé les statuts pour un nouveau fonds dédié aux femmes et s’est mise en campagne pour récolter les financements nécessaires : 3500 euros par femme pour un séjour d’une semaine. Le challenge est de taille puisque trois séjours sont déjà programmés d’ici la fin 2012. Pour Christine Janin, il est hors de question de faire débourser un centime à ses pensionnaires, elle compte sur la mobilisation de tous et quelques rencontres heureuses pour accueillir dans les mêmes conditions toutes celles qui en ont besoin, et les aider à franchir leur Everest.
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