Le Conseil constitutionnel a rendu son verdict : la loi visant à pénaliser la négation du génocide arménien est censurée, jugée contraire à la liberté d’expression. Cette décision revient ainsi sur l’adoption de la loi le 23 janvier dernier par le Parlement français, qui avait causé une brouille diplomatique et commerciale entre la France et la Turquie.
Nicolas Sarkozy, qui soutenait ce texte controversé, a promis d’en proposer un autre. Le chef de l’État a déclaré mesurer « l'immense déception et la profonde tristesse de tous ceux qui avaient accueilli avec reconnaissance et espoir l'adoption de cette loi destinée à les protéger contre le négationnisme (...) menace contre notre communauté nationale ».
Du côté du gouvernement turc, la décision a été saluée, le vice-Premier ministre Bülent Arinç soulignant qu’elle a «évité une probable grave crise entre la France et la Turquie ».
Les Sages ont ainsi jugé « qu'en réprimant la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes qu'il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l'exercice de la liberté d'expression et de communication ». Ils ont cependant précisé que leur décision ne remet pas en cause la loi de 2001 sur la reconnaissance du génocide arménien, ni la loi Gayssot de 1990, qui réprime la négation de la Shoah en s'appuyant sur le droit international de l'après Seconde guerre mondiale ou l'existence de jugements de condamnation pour négationnisme.
« Reprendre ce dossier dans l'apaisement et la conciliation »
Le candidat socialiste François Hollande s’est engagé mardi soir à reprendre ce dossier « dans l’apaisement et dans la conciliation » s’il est élu en mai prochain. « La date de proposition de loi n'était pas forcément la meilleure en fin de législature. Donc de toute manière, il y aura à reprendre ce dossier -j'en prends l'engagement- dans l'apaisement, dans la conciliation et en même temps, dans la volonté d'aboutir », a-t-il assuré à la presse après sa visite au Salon de l'agriculture. « Mais je veux dire ici toute ma solidarité aux Arméniens de France parce que je sais ce qu'ils attendaient. Je veux dire aussi aux Turcs de France qui s'étaient mobilisés qu'ils avaient finalement tort d'imaginer que c'était contre eux », a ajouté M. Hollande.
Pour le candidat centriste François Bayrou, « la relance de cette procédure par Nicolas Sarkozy traduit aujourd'hui une obstination dangereuse dont on comprend bien l'inspiration en période électorale ».
Du côté de l’UMP, les réactions sont partagées. Le député UMP Claude Goasguen, président du groupe d'amitié France-Israël, a déploré la décision, craignant que la loi Gayssot soit à son tour « attaquée », et que désormais l’on puisse « dire n'importe quoi en matière de négationnisme ». Mais son collègue UMP Michel Diefenbacher, un des signataires de la saisine du Conseil, lui a indirectement répondu en considérant que la loi Gayssot était « de toute autre nature ». « Dans le cas du génocide arménien, il n'y a aucune décision juridictionnelle, c'était une initiative du Parlement qui n'a pas de compétence pour intervenir dans ce domaine », a-t-il ainsi estimé.
Valérie Boyer, la députée UMP qui avait défendu le texte, s'est déclarée après ce verdict « triste et déterminée ». « Aujourd'hui en droit français, nous avons deux sortes de victimes et de descendants de victimes », a-t-elle affirmé parlant d' « une grave inégalité de traitement » entre Arméniens et juifs.
Par ailleurs, neuf députés de la majorité déplorant la décision du Conseil ont déposé mardi une proposition de résolution pour « réaffirmer la lutte contre la contestation de l'existence des génocides ».
Avec AFP
Crédit photo : conseil-constitutionnel.fr
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