Jane Goodall a passé sa vie à défendre les animaux. Les primates, particulièrement. Sa passion est née en 1960, lorsqu'elle observe chez les chimpanzés des gestes similaires à ceux des hommes et des femmes, qu'on leur pensait exclusifs. Dix-sept ans plus tard, elle fonde l'Institut Jane Goodall, dédié à la protection de la biodiversité, à l'aide au développement durable et à l'éducation, dont l'antenne française existe depuis 2004. Une organisation qui vise essentiellement à ce que la population prenne davantage soin des animaux, et de la planète en général. Car ce respect est crucial pour le bien-être de tous·te·s. Et la scientifique entend le faire savoir.
A l'occasion de la sortie de Jane, un message d'espoir, un documentaire produit par National Geographic, qui déconstruit la manière dont la primatologue est devenue une icône pour les environnementalistes, Jane Goodall a exprimé ses inquiétudes face à l'épidémie de Covid-19 qui frappe le monde. Et pointé du doigt les seul·e·s responsables, selon elle, de ce fléau : les humains.
"C'est notre mépris pour la nature et notre manque de respect pour les animaux avec lesquels nous devrions partager la planète qui ont causé cette pandémie, qui avait été prédite de longue date", lance-t-elle par téléphone à l'AFP. "Car à mesure que nous détruisons, par exemple la forêt, les différentes espèces d'animaux qui l'habitent sont poussées en proximité forcée et des maladies passent d'un animal à un autre, et un de ces animaux, rapproché par force des humains, va probablement les infecter".
La chercheuse sonne l'alarme : nous devons absolument changer notre mode de vie, de consommation, de production, pour ne pas courir à notre perte ni à celle des animaux que l'on soumet à nos besoins. "Nous devons comprendre que nous faisons partie du monde naturel, que nous en dépendons et qu'en le détruisant, en fait, nous volons l'avenir de nos enfants." Elle salue la fermeture des marchés d'animaux sauvages chinois, mais prévient sur les conséquences dramatiques que des interdictions strictes pourraient avoir auprès des populations les plus démunies du globe. "En Afrique, il sera très difficile de stopper la vente de viande de brousse car tant de gens en dépendent pour leur subsistance. Il faudra penser très attentivement à comment faire car on ne peut empêcher quelqu'un de faire quelque chose quand il n'a absolument pas d'argent pour vivre ou faire vivre sa famille."
L'une des façons efficaces de lutter pour l'environnement selon elle ? Lutter d'abord contre la pauvreté. "Les gens pauvres ne peuvent pas faire ce genre de choix éthiques, ils doivent faire ce qu'ils peuvent pour survivre, ils ne peuvent pas se poser ces questions sur ce qu'ils achètent, cela doit être le moins cher et ils abattront le dernier arbre parce qu'ils sont au désespoir de trouver de la terre pour faire pousser quelque chose à manger...". Et surtout, se convaincre que l'on peut "tous faire une différence, tous."
"Tout le monde peut avoir un impact chaque jour", martèle Jane Goodall, "si vous pensez aux conséquences des petits choix que vous faites : ce que vous mangez ; d'où ça vient ; est-ce que ça a causé de la cruauté envers les animaux ; est-ce que ça provient d'une agriculture intensive, ce qui est le cas en général ; est-ce que c'est bon marché grâce à du travail forcé d'enfants ; est-ce que sa production a nui à l'environnement ; combien de kilomètres a-t-il fallu le faire voyager ; avez vous pensé à marcher au lieu de prendre la voiture ?"
Si nos efforts dépendent aussi "de qui nous sommes", précise-t-elle, sous-entendu de nos moyens, il est urgent d'agir à notre échelle. De sauver ce qui peut encore l'être. Un message fort à diffuser sans attendre.