C'est un fait judiciaire rare : dans le nouveau procès de l'affaire Baby Loup, qui s'ouvrira demain à la cour d'appel de Paris, les magistrats du parquet et ceux de la Cour de cassation ne plaideront pas dans le même camp. C'est ce que révèle Le Figaro, qui a pu consulter les conclusions du procureur général de la cour d'appel de Paris, François Falletti. Ce dernier, au nom de la « neutralité religieuse » et de la laïcité, s'oppose à la décision de justice rendue en mars dernier par la Cour de cassation. Cette dernière avait annulé le licenciement d'une salariée de la crèche privée Baby Loup, à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) sur le motif qu'il constituait « une discrimination en raison des convictions religieuses ».
Un point de vue que ne partagent pas les magistrats du parquet. François Falletti considère en effet que « le règlement intérieur de la crèche peut poser des restrictions au regard des missions de ses salariés, qui travaillent au contact des enfants et d'un public multiculturel » et que « l'interdiction du port du voile islamique faite à ses salariées par l'association Baby Loup est justifiée par la nature de son activité et du public pris en charge ».
Dans ses conclusions, le procureur général de la cour d'appel de Paris justifie la décision du parquet en invoquant la laïcité et le problème de la montée des communautarismes : « Le public accueilli par la crèche Baby Loup est constitué d'enfants âgés de 2 mois à 3 ans […] Il apparaît ainsi que le public pris en charge en l'espèce est constitué d'enfants particulièrement influençables, non seulement parce qu'ils sont en bas âge, mais aussi parce qu'ils appartiennent à des familles socialement très fragiles ce qui les rend encore plus réceptifs au "modèle" que leur donnent les personnes de ce lieu de stabilité sociale et affective qu'est une crèche. »
L'affaire Baby Loup remonte à l'automne 2010, lorsque Fatima, salariée de la crèche de retour d'un congé parental, avait refusé d'ôter son voile dans l'enceinte de l'établissement. La directrice l'avait alors licenciée sous le motif qu'elle ne respectait pas la « neutralité philosophique, politique et confessionnelle » de la crèche. Déboutée à deux reprises par la justice, Fatima avait finalement obtenu gain de cause le 19 mars 2013 devant la Cour de cassation, qui avait annulé son licenciement.
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