Deborah Pardo est une femme déterminée. À tout juste 29 ans, cette Marseillaise installée à Cambridge n'a pas peur de concilier sa vie de famille et sa carrière, et de saupoudrer le tout d'une bonne dose d'aventure.
En décembre, si elle réunit les fonds nécessaires, elle fera partie des 78 femmes scientifiques issues de 8 pays différents envoyées pour la première fois en Antarctique. Toutes participent à Homeward Bound, un projet aussi novateur que nécessaire qui s'interroge sur la place accordée aux femmes dans l'univers scientifique.
"L'an dernier, avec mon compagnon, nous avons eu un petit garçon. Pour la première fois depuis des années, j'ai vraiment profité de mon congé maternité pour faire une pause et arrêter de travailler, nous explique Deborah Pardo. Ça a été une période de remise en question, je me suis intéressée aux challenges que doivent relever les femmes qui cherchent à concilier carrière et vie de famille et qui, souvent, sacrifient la première au profit de la seconde."
Deborah Pardo fait alors des recherches sur le sexisme du monde professionnel, et plus particulièrement dans les sciences. Rapidement, elle se rend compte que les femmes scientifiques, malgré leurs diplômes et leurs références, peinent à bâtir la carrière qu'elles méritent. Pour preuve, "97% des prix Nobel scientifiques sont des hommes", rappelle la docteure en biologiste des populations, alors que les jeunes filles sont aussi nombreuses que les garçons à s'orienter vers un Bac S.
C'est à ce moment-là que Deborah Pardo, qui travaille au prestigieux Institut polaire britannique de Cambridge, entend parler par l'intermédiaire d'une collègue australienne d' Homeward Bound. Ce projet international sur dix ans a pour objectif de promouvoir le travail des femmes scientifiques et de les inciter à travailler leurs capacités de leadership, souvent bridées par les stéréotypes qui collent à la peau des femmes actives. "Les statistiques montrent que c'est exactement à l'âge où je suis maintenant, au moment du premier post doc et du premier enfant, que les femmes abandonnent leur carrière car elles n'ont pas les moyens de continuer. Non seulement les moyens techniques de concilier leur vie professionnelle et leur vie de famille, mais aussi parce qu'elles sont confrontées à des problèmes de confiance en elles et en leurs compétences."
La docteure en biologie réalise alors une vidéo YouTube de 2 minutes, dans laquelle elle détaille son parcours et sa motivation, ainsi que ses recherches sur les albatros, l'une des familles d'oiseaux les plus impactées par les activités humaines. "Ça m'a permis d'être sélectionnée immédiatement. Je suis la seule Française à participer à Homeward Bound", se félicite Doborah Pardo.
Si tout se déroule comme prévu, Deborah et les autres femmes sélectionnées partiront donc durant trois semaines en décembre direction le pôle Sud pour suivre des cours de leadership, mais aussi travailler en petits groupes sur un projet éducatif et fédérateur. Deborah Pardo, elle, a choisi de s'intéresser au rôle des femmes dans les politiques environnementales. "On veut montrer que les pays qui ont investi dans l'égalité femmes-hommes sont aussi ceux où les politiques environnementales sont les plus efficaces. Des études ont montré que dans les pays développés, les femmes sont plus conscientes du changement climatique que les hommes et plus prête à changer les choses que les hommes." Cela vaut aussi dans les pays en développement. "Ce qu'on ne sait pas c'est que lorsqu'il y a des catastrophes naturelles, il arrive que 90% des victimes soient des femmes, poursuit Deborah Pardo. Ce sont aussi elles qui sont les plus exposées à la pauvreté et aux violences physiques et sexuelles."
Pour la docteure en biologie, "les organismes décisionnels ont donc tout intérêt à davantage impliquer les femmes dans les politiques environnementales pour lutter contre les changements globaux à l'échelle de la planète".
Pour le moment, les participantes au projet Homeward Bound sont plongées dans la campagne de financement. L'objectif, pour chacune d'entre elles ? Trouver la moitié des fonds nécessaires à leur expédition, soit 18 000 euros chacune. Grâce à une campagne de crowfunding lancée en Angleterre, Deborah Pardo a déjà récolté 7 000 euros. Une seconde campagne, cette fois-ci hébergée par la start-up ProvenceBooster, lui a permis de trouver 3 000 euros supplémentaires. Aujourd'hui, la scientifique est à la recherche d'entreprises pour sponsoriser son aventure, mais aussi des derniers euros qui lui manquent pour participer au projet. Pour cela, elle a lancé avec deux autres Britanniques sélectionnées par Homeward une troisième campagne participative . Les internautes ont jusqu'au 15 juin 2016 pour les aider à concrétiser leur rêve.