Michel Henry : Il est logique que ce sujet soit récurrent : le système de pénalisation du cannabis et la politique purement répressive sont un échec. Certains élus et politiques, comme récemment Cécile Duflot ou Vincent Peillon, ont le courage de relancer le débat, mais malheureusement il semble que le gouvernement ne souhaite pas étudier la possibilité de la dépénalisation. Et pourtant, nous avons en France l’une des législations les plus sévères d’Europe vis-à-vis du cannabis et nos ados sont malgré tout les champions d’Europe de sa consommation. Cela prouve bien que le système que nous suivons est défaillant.
Mais les politiques craignent qu’une dépénalisation n'entraîne une hausse de la consommation et ne véhicule un message négatif auprès de la population. Or, l’argent économisé avec l’arrêt de la guerre contre la drogue permettrait de financer efficacement des politiques de prévention. N’oublions pas par ailleurs que la dépénalisation est déjà quasiment effective : près de 4 millions de Français fument des pétards, et une proportion infime d’entre eux sont poursuivis en justice. La loi ne ferait alors qu’être au plus près de la réalité.
M.H. : Même s’il est considéré comme une drogue douce, consommée par beaucoup de Français, ce n’est pas pour autant que le cannabis n’est pas une drogue dangereuse, surtout pour les jeunes consommateurs. Si la majorité des gens qui consomment des joints n’ont pas de problème, il est essentiel de se pencher sur ceux chez qui cela développe une addiction, des risques de santé, etc. Même si les chiffres le prouvent : le cannabis cause beaucoup moins de décès et de maladies que le tabac et l’alcool. Il faut donc évaluer les risques et adapter les messages de prévention en conséquence.
Le problème est qu’à chaque fois que la question de la dépénalisation du cannabis est soulevée, elle est traitée avec hystérie, et par les élus et par les médias qui relaient l’information. L’exemple de Rachida Dati qui déclarait aujourd’hui que le cannabis mène à l’héroïne en est une illustration flagrante : elle soutient une incohérence dramatique, et malheureusement elle n’est pas la seule à proférer ce type de contre-vérités dangereuses pour le débat.
M.H. : Je trouve au contraire que c’est une bonne chose : Vincent Peillon parle de la réalité et de la population la plus touchée, celle des ados. Je suis pour que l’on mène des politiques de prévention dans le cadre de l’école plutôt que ce soit un policier qui une fois par an vienne parler des dangers du cannabis aux jeunes. Je pense que cette approche serait bien plus efficace.
M.H. : C’est avant tout un lourd problème de manque d’information et de courage de la part des élus. La gauche a peur d’être taxée de laxisme, la droite a peur d’aller plus loin, après avoir tout de même mené les premières grandes politiques liées aux drogues – avec la distribution gratuite de seringues aux toxicomanes ou la mise en place des programmes de substitution à l’héroïne. Mais il faut comprendre que plaider pour la dépénalisation n’est pas plaider pour le cannabis. Au contraire, de nombreuses études démontrent qu’il n’y a aucun lien entre la dépénalisation et le niveau de consommation du cannabis. Mais quand on parle de drogue, on se contente souvent de dire que c’est mal et de continuer la politique de l’autruche, en parlant des fantasmes et des peurs plutôt que des réalités. Le débat pourra enfin avancer le jour où l’on réussira à le dépassionner.
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