"Cette forêt a toujours été réservée aux femmes. Elle existait bien avant ma naissance, elle a toujours été là, avec les mêmes règles", confie aux caméras de BBC News Adriane Meraudje, habitante de la capitale de la province de Papouasie, Jayapura. Elle explique que la tradition veut qu'avec ses semblables, elles s'y rendent pour pêcher des palourdes sur les berges en partageant leurs anecdotes, leurs récits, aux anciennes et nouvelles générations, entièrement dévêtues.
"Lorsque la marée est basse, nous y allons toutes ensemble", détaille à son tour Ati Rumboyrusi. 'Il n'y a pas d'hommes, alors nous pouvons partager librement nos histoires avec les anciennes. Nous nous immergeons dans la mer et nous tâtonnons à travers la boue pour trouver des palourdes." Et gare à ceux qui tenteraient de braver l'interdit de leur présence : ils risquent une amende pouvant aller jusqu'à environ 60 euros (1 million de roupies).
Une non-mixité chérie et surtout, respectée.
Si ces femmes s'expriment aujourd'hui, ce n'est pas seulement pour décrire la beauté du lieu et des coutumes qui s'y pratiquent, mais pour alerter sur une catastrophe déjà bien amorcée. La pollution et la déforestation gagnent cet espace sacré, réduit de moitié en 50 ans, et menacent férocement de le détruire.
"L'océan a beaucoup changé", constate l'interlocutrice auprès de la télé britannique. "Maintenant, il est pollué, à cause des ordures. Lorsqu'il pleut, les déchets des marchés, en ville, arrivent jusqu'ici." Elle se souvient, au bord des larmes, d'un temps où l'étendue d'eau était "si belle, transparente et propre". "Je me demande souvent : 'Qu'est-il arrivé à notre océan ?'"
Sur les rives de la forêt, des bouteilles en plastique s'accumulent. Les coquillages, eux, sont de moins en moins nombreux. Et les Papoues peinent à remplir leurs barques, baptisées "kole kole", ce qui impacte directement leur niveau de vie.
Le pays entier souffre de cette catastrophe environnementale. Avec ses 270 millions d'habitant·e·s, l'Indonésie est le deuxième contributeur au monde, après la Chine, de cette pollution océanique par le plastique, rapporte Geo. Depuis février 2020, des scientifiques locaux ont suivi les déchets par balise satellite pour repérer leur trajet. Un projet en vue d'organiser des opérations de collecte, de construire un barrage ou d'envoyer des bateaux les repêcher une fois celui-ci établi.
Si la plupart des outils technologiques échouent dans des zones proches, "plus facile pour que les autorités organisent la collecte", estime au magazine Jean-Baptiste Voisin, directeur de la filiale indonésienne de CLS, filiale du CNES (Centre National d'Etudes Spatiales), "quelques-unes lancées il y a six mois sont toujours en train de dériver, et malheureusement ça veut dire que les débris sont encore dans l'océan et qu'ils vont rejoindre les vastes accumulations de plastique dans l'océan Indien ou Pacifique".
Une bonne partie a également atterri dans les mangroves de Sumatra, archipel situé à l'Ouest du pays, un milieu "particulièrement fragile", qualifie le média, identique à celles de Papouasie. D'autres bouteilles, sacs, pailles, arrivent sur les plages de Bali. Celle de Kuta d'ailleurs, croule sous 30 tonnes de ces détritus. Et à en croire le gouvernement, si aucun changement radical n'est entrepris maintenant, la situation pourrait s'empirer de 30 %.
Alors, quelles actions pour inverser cette tendance destructrice ? L'Indonésie s'est fixée de diminuer les déchets plastique de 70 % d'ici 2025. Jusqu'ici, les sacs plastiques à usage unique ont été bannis à Jakarta, la capitale du pays. Mais pour ce qui est du recyclage, le réflexe démarre à peine.