On ne vous apprendra rien : au jeu du poil, la femme est perdante. Pourtant aussi bien lotie que ses partenaires masculins à plusieurs niveaux (notamment aisselles et maillot), elle est sommée de mieux entretenir les siens, de les couper, de les arracher, voire carrément de s'en débarrasser intégralement.
La raison de cette inégalité sexiste ? L'apparence raffinée que l'on prête automatiquement à la féminité ne connaîtrait pas la pilosité. Une conviction véhiculée par ceux qui ne supportent pas la vue d'une touffe sur leur chère et tendre quand ils sont eux-mêmes recouverts de broussaille en friche, mais aussi par la société et bien malheureusement encore : par les premières concernées, qui a force d'entendre l'association "élégance = peau d'enfant", ont intériorisé l'injonction. Du moins, jusqu'en 2020.
En 2020, on a commencé à lâcher la rampe. Et pour le meilleur. Cloîtrées chez nous pour des raisons de pandémie, on s'est délestées de quelques habitudes finalement pas si essentielles. On a laissé tomber le soutien-gorge pour, dans certains cas, ne jamais le ragrafer, on a mis de côté notre trousse à maquillage et on a aussi boudé le rasoir. Pas toutes ni de façon permanente, mais assez pour remarquer qu'on ne s'en sentait pas moins bien dans notre corps.
Un sondage réalisé par l'Ifop pour la plateforme de santé sexuelle Charles.co révèle d'ailleurs que "si la crise sanitaire n'a pas amené toutes les Françaises à jeter d'un coup au placard leur rasoir ou leurs cires dépilatoires", les confinements successifs ont toutefois constitué "une période souvent propice à un changement de rythme". Ainsi, près d'une femme sur cinq (18 %) déclare s'enlever les poils des aisselles, du maillot ou des jambes "moins souvent qu'avant le premier confinement", détaille le rapport.
Une proportion qui monte à 34 % chez les jeunes de moins de 25 ans et à 31 % chez les femmes en télétravail, "signe que les pratiques dépilatoires tiennent beaucoup à leur degré de sociabilité et au regard d'autrui dans la gestion de son apparence corporelle", analyse l'Ifop. Des chiffres qui pourraient continuer à grimper, tant le rejet de la "pression à la dépilation" semble prendre racine.
"Plus d'une Française sur deux déclarent qu'elles pourraient cesser un jour de s'enlever les poils du maillot (56 %) et des jambes (58 %)", précise l'institut de sondage. Pression qui émanerait d'ailleurs beaucoup moins des hommes qu'auparavant.
Aussi affranchie devrait-on se sentir du regard masculin, on reste nombreuses à admettre le prendre en compte dans nos choix de vie. Ou en tout cas, à céder à quelques remarques désapprobatrices sur notre apparence - et notamment, notre manie de s'épiler ou non. Comprendre que si notre mec évoque plus ou moins subtilement que nos poils pubiens le dégoûtent quand lui laisse libre cours aux siens, on va avoir tendance à les éliminer. Heureusement, ce genre d'énergumènes se fait de plus en plus rare. Et le sondage le prouve.
"La présence de poils féminins n'est un frein au désir sexuel que pour une minorité d'hommes", titre l'Ifop. "Contrairement à certains clichés, (...) la grande majorité des hommes attirés par les femmes déclarent qu'ils pourraient faire l'amour avec une femme non épilée au niveau des aisselles (66 %) ou des jambes (61 %) mais aussi à l'état brut au niveau pubien (70 %)."
Grands seigneurs. Et niveau sociétal, où en est-on ?
Eh bien, la route est encore longue. Si l'adhésion au stéréotype selon lequel l'absence de pilosité est un critère de séduction féminine, et non un critère de séduction masculine, fait beaucoup moins consensus que dans le passé, observe l'Ifop, "la pression à l'invisibilité pileuse qui pèse toujours beaucoup plus sur les corps féminins". "Le malaise suscité par la vue de poils sous les aisselles est quatre fois plus important pour des aisselles féminins (57 %) que masculins (15 %)", peut-on remarquer. "De même, des jambes poilues chez une femme 'dérangent' plus (57 %) qu'un dos poilu chez un homme (36 %)."
Des doubles standards à travailler aussi chez les femmes, puisque, malgré un recul de 17 points par rapport à 2013, pour encore 73 % des interrogées, il est important de s'épiler pour être séduisante. Edifiant.