"J'ai eu l'impression de traverser une jungle". Il faut écouter Flavie Flament à l'antenne de Médiapart. Auprès du média d'investigation, l'ex animatrice et autrice est revenue sur son long combat : dès 2016, elle dénonçait les actes du photographe David Hamilton.
A 13 ans, le photographe David Hamilton avait profité de sa position de pouvoir pour l'agresser sexuellement. Un viol qu'elle relate dans son livre La consolation. Témoignage qui a également donné lieu à un téléfilm.
Aujourd'hui, elle en parle abondamment auprès de la journaliste Marine Turchi, dans un entretien qui résonne tellement à l'heure de la prise de parole de Judith Godrèche. "J'ai essuyé les plâtres. Mais ma consolation, mon autre consolation, elle est là. Et dans le combat qui a suivi ce livre. Aujourd'hui, la société est en train de se fissurer de partout : le #MeToo littéraire, le #MeToo du cinéma, le #MeToo de la télévision !".
La révolution #MeToo, Flavie Flament la soutient, et l'étudie. Et pour cause : lorsqu'elle s'exprime en 2016, le mouvement massif de "libération" (de la parole... Et de l'écoute ?) n'est pas encore à l'ordre du jour. Il faudra attendre une longue année. Flavie Flament est avant-gardiste.
On l'écoute encore : "Tout cela m'apparaît comme une naissance, mais un accouchement difficile, qui prend du temps, qui est fait de contractions. Il y a tout le travail de l'ombre, avec des victimes de l'ombre, avec des magistrats de l'ombre, qui sont sensibilisés à ça, avec des associations".
Mais l'autrice s'est aussi attardée sur David Hamilton...
"Mon livre dénonce une société, une éducation... Depuis la sortie de la 'Consolation', il est évident qu'il y en a qui ne dorment pas tranquille. J'ai été victime de David Hamilton en 87. On laissait tout faire. Ce n'est pas les années cinquante non plus : c'est hier !", dénonce Flavie Flament, qui développe non sans tristesse : "Et aujourd'hui, j'entends encore des mecs, des vieux, me dire : Oui mais quand même... Il avait du talent, non ?"
Flavie Flament dénonce aussi un traitement problématique de ces affaires. A savoir ? Des différences de perception et de traitement accordés à des affaires relevant pourtant des mêmes faits : agression sexuelle, harcèlement, viol... En écrivant sur les agissements du photographe David Hamilton, qui a longtemps joui d'une grande réputation dans son domaine artistique, Flavie Flament a pu largement le constater. Et c'était il y a 8 ans déjà.
Une autre femme et grande autrice a pu en témoigner à l'unisson : Vanessa Springora, à travers la publication et la réception de son puissant récit, Le consentement. Flavie Flament l'évoque d'ailleurs.
"Toutes les violences sexuelles sont dégueulasses. C'est toujours difficile à regarder en face. Il n'y a rien de glamour dans le rôle de victime. Aujourd'hui certains récits d'agressions sont pourtant considérés comme bankable : plus glamours, plus intellectuels que d'autres. David Hamilton, Gabriel Matzneff... On ne va pas traiter un violeur comme Matzneff ou Hamilton de la même manière que les autres. Ce n'est pas le même traitement"
Des mots qui rappellent le courage d'une femme engagée, qui par sa prise de parole en a initié d'autres. Un engagement auquel semble faire écho aujourd'hui ces mots de Judith Godrèche, prononcés au lendemain des César : "On ne peut pas être à un tel niveau d'impunité, de déni et de privilège. Nous devons donner l'exemple, nous aussi. Mon passé, c'est aussi l'avenir de tous ceux qui n'ont pas encore eu la force de devenir leur propre témoin". CQFD.