Les "grid girls", ces jolies filles légèrement vêtues qui "animaient" les courses de Formule 1 en indiquant l'emplacement des voitures sur le circuit, ne seront bientôt plus présentes sur la grille de départ.
C'est le nouveau propriétaire de la Formule 1, Liberty Media, qui l'a annoncé dans un communiqué mercredi 31 janvier. Jugeant cette tradition qui objectifie le corps des femmes en "contradiction des normes actuelles", le groupe a fait savoir que le Grand Prix, qui se tiendra fin mars en Australie, se fera sans la présence des grid girls.
La présence de jeunes femmes choisies pour leur plastique "ne correspond pas aux valeurs défendues par notre marque et est clairement en contradiction avec les normes sociétales actuelles", explique Liberty Media. "Nous avons tout au long de la saison 2017 observé un certain nombre de domaines dans lesquels nous pouvions faire évoluer la discipline. Employer des 'grid girls' a toujours été un élément de base de la F1, mais nous estimons que cette coutume ne fait pas écho à nos valeurs. Nous ne pensons pas que cette pratique soit appropriée ou pertinente pour la F1 et ses fans, anciens comme nouveau à travers le monde."
Si le glas de la tradition sexiste des "grid girls" est effectivement une bonne nouvelle, faut-il pour autant en conclure que la Formule 1 sera désormais un sport paritaire et respectueux de l'égalité femmes-hommes ?
Ce serait aller trop vite en besogne. Quasiment exclusivement masculine, la Formule 1 n'admet que rarement des femmes en son sein. Théoriquement pourtant, la Fédération Internationale de l'Automobile (FIA) les autorise à prendre le volant, et ce dans toutes les catégories. Dans les faits, c'est autre chose. Dans l'histoire de la Formule 1, seules cinq femmes ont pris le départ de courses.
Considérées comme moins résistantes que les hommes, les femmes pilotes doivent, en plus, faire face à la misogynie de leurs confrères. Dans son livre Fast Life, la pilote Giovanna Amati raconte que lors de son passage dans le championnat italien de Formule 3, elle devait souvent changer la décoration de sa voiture. "Comme ça, les autres gars ne pouvaient pas m'identifier d'une course à l'autre. Pour eux, c'était inconcevable d'être battus par une femme. Ils préféraient souvent provoquer un accident que de me voir les dépasser."
En 2005, le Britannique Jenson Button déclarait dans une interview accordée au magazine FHM qu'une "fille à gros seins ne serait vraiment pas bien installée dans le baquet de la F1. Et les mécaniciens n'arriveraient pas à se concentrer. Mettez-vous à la place de celui qui doit attacher la ceinture de sécurité..."
Ahurissants de sexisme, ces propos sont malheureusement légion dans le monde de la Formule 1. Et proférés, en premier lieu, par les sponsors et les patrons d'écuries eux-mêmes, qui rechignent à confier un de leurs bolides à des femmes qui ne répondraient pas à certains critères physiques. Dans son livre The Pits : The Real World of Formula One, la journaliste Beverley Turner raconte un hallucinant dîner avec deux patrons de Mercedes en 2004. Relaté par France Info, les propos tenus par les deux pontes au sujet de l'absence de femmes pilotes a de quoi faire bondir : "Nous avons d'excellentes pilotes, très talentueuses. Le problème, Beverley, c'est qu'elles ne sont pas... comment dire... très jolies. Elles sont fortes, elles sont rapides. Mais elles ne sont pas jolies. Plutôt moches même. On dirait des hommes", aurait dit l'un des deux hommes.