Si vous êtes allergique aux fraises, n'allez pas sur TikTok. Là-bas, une nouvelle lubie fashion fait fureur : la "robe à fraises". Autrement dit, une robe estivale ponctuée de motifs fruitiers. Colorée, joyeuse, gourmande. Si trendy que les fripes se déclinent même en noir - pour plus de sobriété. Mais les utilisatrices qui s'en délectent ignorent peut-être une chose : la mannequin plus size Tess Holliday arborait ladite robe il y a sept mois de cela, en pleine cérémonie des Grammy Awards. Une jolie tenue à 490 dollars, excusez du peu.
C'est peut-être un détail pour vous, mais pour elle, ça vaut dire beaucoup. Pourquoi ? Sur son compte Instagram, elle l'explique à ses deux millions de followers : "J'aime le fait que cette robe m'ait fait figurer sur la liste des 'personnalités les plus mal habillées' quand je l'ai portée en janvier aux Grammys. Mais maintenant, des femmes minces la portent sur TikTok, et là, tout le monde s'en soucie !". Ouille. Et si l'apparente fantaisie de la chose cachait en fait une extrême conformité aux diktats de beauté ?
Pour Tess Holliday, la question est rhétorique. Elle poursuit : "Pour résumer, notre société déteste les personnes grosses, surtout quand nous avons du succès". Voilà qui a le mérite d'être clair. La réappropriation de la "robe à fraises" est-elle une autre manière d'invisibiliser ces dernières au profit d'une normalisation sacralisée ? Dans les pages du magazine People, la militante body positive n'en démord pas : "Cette robe a été popularisée par des personnes jugées belles par les normes de la société, dont le type de corps est considéré comme acceptable".
"Quand j'ai découvert que la robe devenait populaire parce qu'elle s'adressait principalement à des personnes minces et valides, je me suis dit: 'Vous plaisantez ?'", tacle encore Tess Holliday. Amère, elle envisage en cette tendance "l'exemple parfait d'exclusion auquel les personnes grosses sont confrontées dans la mode". Etre une mannequin "plus size", dit-elle, n'a pas grand-chose de glamour aux yeux d'une industrie qui "[les] rejettent".
De choix fashion mal noté à hashtag viral, sa "strawberry dress" est l'incarnation malgré elle de bien des discriminations. Et aussi d'une diversité qui, bien qu'elle existe, peine encore à se faire entendre. Même constat sur Instagram, où la tendance se poursuit à grands coups de milliers de publications, entre esquisses, autoportraits et photographies, déployant un panorama majoritairement constitué de jeunes femmes blanches et minces.
Ce n'est pas la première fois que Tess Holliday pousse un coup de gueule envers le culte de la minceur. "Ne laissez jamais personne vous faire sentir que vous devriez altérer votre apparence ou qui vous êtes. Vous êtes très bien. Vous méritez qu'on vous aime dans votre corps actuel, peu importe à quoi votre corps ressemble", décochait-elle déjà à ses followers il y a deux ans de cela, après avoir subi les aléas de la retouche photographique.
Mais sur TikTok comme sur Instagram, certaines voix s'exercent déjà à déconstruire les normes. En relayant le message de Tess Holliday bien sûr, mais aussi en imaginant la fameuse robe sur des épaules moins blanches, en la plaquant sur le corps du chanteur Harry Styles, idole des jeunes déjà célébrée pour son vernis à ongles pétillant, ou encore, sur celui d'un homme noir. Histoire de démontrer que le port de la "strawberry dress" ne se cantonne pas qu'à une catégorie de personnes, non non. Malheureusement, dans ce panoptique également, la démarche body positive semble bien timide.
Tess Holliday, de son côté, s'échine à visibiliser celles et ceux qui sortent des normes. C'est là l'intention, nous rappelle Glamour, de sa collection Eff Your Beauty Standards x Fashion to Figure, destinée à toutes les tailles et "à la vraie diversité", assure son instigatrice. Une marque qui sensibilise son audience aux causes de l'association The Trevor Project, laquelle soutient les personnes LGBTQ en se dédiant à la prévention du suicide des jeunes lesbiennes, gays, bisexuel·le·s, transgenres et personnes queer. Une association déjà soutenue par Daniel Radcliffe.