My Art, Not My Ass a été fondé il y a un peu plus d'un an et déjà, le compte Instagram recueille une vingtaine de témoignages anonymes. Des captures d'écran, des phrases que de nombreuses personnes évoluant dans le monde de l'art se sont entendu dire par leurs pairs, et ne veulent pas, ou plus, laisser passer.
Ces mots, ils viennent en grande majorité de la bouche d'hommes, qui glissent sans vergogne quelques commentaires sexistes, homophobes, transphobes aux oreilles d'étudiant·e·s, d'artistes, d'employé·e·s de galerie et de musées, plutôt que de se cantonner à leur art. Des tentatives d'abus de pouvoir, des dick pics non-sollicitées, des insultes... la sélection est de plus en plus accablante au fil des posts.
My Art, Not My Ass, ça veut dire "mon art, pas mon cul", en anglais. Et d'ailleurs, toutes les publications ou presque sont traduites dans les deux langues. On y lit par exemple : "Ne dis pas que tu es lesbienne, sinon tu louperais des occasions de plaire à des hommes qui pourraient t'exposer", "Tu aurais beaucoup plus de talent si tu étais moins belle", ou encore "Si tu veux avoir un peu de crédibilité, ne mets pas de jupes à tes vernissages." Révoltant, et pourtant terriblement ordinaire.
Dans certains cas, il s'agit d'un récidiviste. D'un homme qui opère de la même façon auprès de différentes jeunes femmes (neuf recensées par la plume derrière la page pour l'instant), leur envoyant des photos de lui, des compliments inappropriés, puis les traitant de folles dès qu'elles épinglent son comportement.
Ce compte a été créé pour dénoncer les "échanges ambigus que nous (ou la plupart d'entre nous) devons gérer en tant qu'artiste (et pas seulement en tant que femme)", écrit My Art, Not My Ass. Une libération de la parole qui fait notamment écho à la page Facebook Balance ton école d'art, lancée en septembre dernier par une poignée d'étudiant·e·s de l'Institut supérieur des beaux-arts de Besançon, afin de dénoncer le harcèlement sexuel dans le milieu et l'impunité dont bénéficient ses auteurs.
On y compte une quinzaine de récits, le dernier datant du 6 octobre et relatant le viol d'une étudiante par un professeur, qui aurait été commis en 2017. Un témoignage glaçant sur lequel la mairie de Besançon a décidé de lancer une enquête administrative. Le 14 décembre, les fondateur·rice·s de Balance ton école d'art publiaient un long texte rapportant les messages haineux reçus depuis le début de leur activité, qu'ils·elles concluaient par "Nous sommes en lutte, nous voulons changer le monde et nous sommes fier·e·s.".
"Certains étudiants n'étaient pas d'accord avec nos méthodes, car nous donnions les initiales des professeurs accusés", confiait en novembre une membre du collectif dans les colonnes du Monde. "Mais on ne voyait pas d'autres moyens de nous faire entendre, car les dénonciations selon les règles n'aboutissent à rien". La preuve, s'il en fallait, que sortir du silence dérange ceux que cette culture ravageuse semble arranger. Heureusement, les voix des victimes et de leurs soutiens ne sont pas près d'arrêter de s'élever.