Cour de récré, caniveau, nauséabond : les adjectifs pour qualifier le niveau de la campagne n’ont pas manqué aux Français ces dernières semaines. Il faut dire que les petites phrases assassines et autres insultes manquant quelque peu d’élégance ont fleuri tout au long de la campagne sortant en mitraille de la bouche des candidats et de leurs représentants. Du « fraise des bois » lâché par Laurent Fabius pour qualifier François Hollande et repris avec gourmandise par Nicolas Sarkozy, au « semi-démente » craché par Jean-Luc Mélenchon à l’encontre de Marine Le Pen, les politiques s’en sont donné à cœur joie durant les mois précédant le 22 avril. On était en effet par moments bien loin du vocabulaire policé et choisi que l’on peut attendre de la part de responsables et élus.
« Si je vous traite de sale con, ça va vous plaire ? »
Le 25 février, Henri Guaino, conseiller spécial du président Nicolas Sarkozy, laisse ainsi échapper un « sale con » à l’intention du socialiste Jérôme Guedj avec qui il débat. S’emportant en direct lors d'un débat télévisé, il tape sur la table et lui lance : « taisez-vous, c'est insupportable à la fin ! », avant de lâcher : « si je vous traite de sale con, ça va vous plaire ? » la forme interrogative atténuant légèrement son propos. Un adjectif qui semble avoir par ailleurs son petit succès. François Bayrou, s’inspirant de Michel Audiard, s’exclame ainsi le 28 février « le déconomètre fonctionne à plein tube ! » à propos d’une réforme fiscale proposée par François Hollande. Dans le même registre, Dominique de Villepin, alors encore candidat à la présidentielle, se plaît à traiter Nicolas Sarkozy et François Hollande d'« attrape-couillons » avant d’ajouter : « ils vont à la pêche aux voix et prennent les Français pour des couillons ».
Dans la cour de récréation
Quelques jours plus tard, c’est du côté de l’extrême gauche que le vocabulaire se corse : lors d’un point presse, Jean-Luc Mélenchon, le leader du Front de Gauche, qualifie Marine Le Pen de « semi-démente ». Ce à quoi la candidate du Front National rétorquera le lendemain en assurant que Jean-Luc Mélenchon était hors caméra un homme « charmant », « presque un petit garçon », façon de montrer que tourner en dérision son adversaire est également une arme politique efficace. Cette image du petit garçon fut d’ailleurs récurrente durant la campagne. François Hollande commente ainsi les hésitations du président sortant lorsqu’il doit justifier son erreur du Fouquet’s en 2007 par un « il y a un côté petit garçon qui vient de dire qu’il ne retournerait plus la fois prochaine ». Un domaine infantilisant que l’on retrouve dans l’expression « cours de récréation » utilisée par le candidat socialiste pour qualifier le terrain sur lequel son rival de l’UMP voulait l’entraîner, mais également dans le « Babar » lancé par Luc Chatel à l’encontre de M. Hollande. « Il y a un personnage de bande dessinée qu'on connaît bien, qui s'appelle Babar. Babar, il est sympathique, c'est le roi des éléphants. C'est l'histoire qu'on raconte aux enfants pour les endormir le soir. Il y a Babar d'un côté. Moi je préfère Astérix, voyez. Astérix, c'est celui qui est courageux, celui qui est déterminé, celui qui est protecteur, celui qui sait prendre des décisions. Et puis Sarkozy, il gagne toujours en plus », racontait ainsi le ministre de l’Education nationale.
« Je ne sais pas à combien d’animaux j’ai été comparé ! »
Autre registre particulièrement apprécié des politiques : celui du vocabulaire animal. « Je savais en m’engageant dans cette campagne que je rencontrerai de la violence verbale. Je n’ai pas été surpris, mais la droite a été loin. Je ne sais pas à combien d’animaux j’ai été comparé ! » a ainsi déclaré François Hollande lors d’une interview accordée aux Inrocks. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il détient la palme de l’animal le plus composite, avec sa description de Mme Le Pen : « cette Madame Le Pen, qui n'a aucune espèce d'imagination, passe son temps à faire des emprunts forcés pour dire : je parle comme Mélenchon. "Voyez mes ailes, je suis un oiseau". Et de temps à autres, je suis xénophobe, "voyez mes pattes, je suis un rat". Cela nous fait une chauve-souris. »
Si la plupart des comparaisons peu flatteuses ou des insultes proférées le sont souvent dans un objectif de déstabilisation de l’adversaire, on flaire parfois l’énervement non-maîtrisé pointer sous certaines saillies. Il en est ainsi du fameux « je l’emmerde » lancé par Eva Joly à Corinne Lepage par caméras interposées. Alors qu’il reste quelques jours de campagne encore pour les deux derniers candidats en lice, il va sans dire que leurs mots seront scrutés à la loupe, et que les noms d’oiseaux prendront alors une signification toute particulière.
Crédit photo : AFP
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