"Donald Trump n'est pas le père de l'Amérique". Elle est sèche, cette assertion de l'édition américaine de Glamour. Non, correction, il est avant tout celui de sa chère Ivanka. Mais même là, ça ne passe pas. L'espace d'une enquête, le magazine tacle l'une des stratégies dissimulées de celle qui, rappelons-le, occupe le rôle de conseillère spéciale du président : faire en sorte d'adoucir le ton Trump. Et d'ériger leur relation père/fille en politique de com' malicieuse.
La preuve ? Lors de la dernière convention nationale des républicains (où a également flamboyé une Kimberly Guilfoyle particulièrement "memesque"), la femme d'affaires a qualifié son père de leader "bourru mais doux", malgré son style "qui n'est pas du goût de tout le monde" et ses paroles "sans filtre", qu'il décline de Twitter aux meetings. De beaux euphémismes s'il en est, censés susciter connivence et empathie. Comme si le seul regard d'Ivanka Trump pouvait voir le "vrai Trump". Idéal pour convaincre un électorat encore réticent à l'approche des élections présidentielles de novembre prochain ? Les sourires de la politicienne et ses assertions semblent tout faire pour. Et ses mots aussi.
En pleine convention, Ivanka Trump annonce ouvertement qu'elle "souhaite que chaque Américain puisse voir" ce Donald-là. Dans son discours, la conseillère et adepte de l'empowerment (dont elle loue les vertus dans ses livres) assure également à son audience que son père "a de fortes convictions". Qu'il sait "ce qu'il dit croit et dit ce qu'il pense, que vous soyez d'accord avec lui ou non" et que, de toute évidence "il se bat pour tous les américains". On n'est jamais mieux servi que par sa famille, surtout quand il est question d'éloge.
Mais sous le vernis des compliments, de la poudre de perlimpinpin.
Et ce n'est pas la première fois. Cela fait quatre ans que la parole doucereuse d'Ivanka Trump sert une stratégie plus vaste de revalorisation. De ses interventions publiques à ses publications sur les réseaux, la business-woman vante ses investissements et initiatives diverses aux working girls de demain - on est pas loin du "feminism-washing", un féminisme opportuniste et en toc - partage d'idylliques photos de famille très "american dream" (ou comment associer vie politique et vie privée aux yeux de l'opinion) et porte sur elle des idées plus ou moins progressistes - comme le congé maternité - qui dénotent au sein de l'administration paternelle.
Or, comme nous l'explique la directrice de recherche à l'IRIS Marie-Cécile Naves, "Ivanka est l'une des plus proches confidentes de Donald Trump. Elle est justement là pour atténuer l'image du président masculiniste. Auprès d'une partie du monde du business par exemple, attachée à l'empowerment des femmes d'affaires, elle peut apparaître comme un role model".
De quoi draguer bien des électrices. Sans pour autant incarner ce qu'elle prétend défendre. "Ivanka Trump travaille pour l'entreprise de son père (la Trump Organization, ndrl). Et si elle tient un rôle politique et économique notable, elle reste entièrement dépendante du patriarche, soumise à lui", décrypte la politologue franco-américaine Nicole Bacharan. Pas très girl power donc.
Et justement, les descriptifs élogieux décochés lors de la dernière convention républicaine ne servent qu'à cela : tresser les lauriers du patriarche, sur fond de valeurs familiales. Moins anodin qu'il n'y paraît. Pour Glamour, "Ivanka Trump est l'une des armes politiques les plus acérées de son père depuis le début de sa première campagne présidentielle, grâce à sa rhétorique calme, son histoire supposément libérale, sa beauté immaculée : elle insiste, de manière convaincante, sur le fait qu'il y avait un homme bon et pas juste celui qui se moque des personnes handicapées et se vante d'attraper les femmes par la chatte". On ne peut guère faire plus clair.
Mais les femmes, le père s'en soucie-t-il vraiment ? Ses initiatives, de la restriction du droit à l'avortement à son inaction face aux étudiantes victimes de viol sur les campus, parlent d'elles-mêmes. Et autant dire que les panégyriques d'Ivanka ne suffiront pas à faire oublier ce Donald-là.