Une femme originaire de Lisieux dans le Calvados porte plainte contre l'État pour faute lourde et déni de justice. Elle affirme avoir été violée en 2011 par un ami d'enfance. L'homme a depuis été acquitté après un procès qui s'est tenu en janvier 2018 à la cour d'assises du Calvados.
Celle qui est autrice sous le pseudonyme d'Anna Circé dénonce la lenteur de la procédure mais également la non mise sous scellé de preuves pendant 17 mois, ce qui les aurait rendues inutilisables au procès.
L'homme et la plaignante sont amis depuis l'âge de dix ans. Au collège, les deux sortaient ensemble sans que cela ne dure et ils étaient restés en contact après. Alors qu'elle est enceinte et qu'il attend un enfant d'une autre femme, ils se donnent rendez-vous dans l'appartement de celui-ci, encore vide, où il va emménager avec sa compagne.
C'est à ce stade que les deux versions divergent. L'un affirme dans un premier temps n'avoir eu aucun contact physique avec la plaignante, il explique ensuite lui avoir touché le sexe avec sa main en ayant obtenu son consentement.
Anna Circé, elle, dément cette version et affirme qu'il l'a maintenue au sol en l'embrassant de force. Il l'aurait alors pénétrée avec ses doigts.
La plaignante avait déjà été agressée en 2002 par un camarade de classe. Cet agresseur avait été condamné en 2004. C'est son nom qu'elle donnera aux enquêteurs dans un premier temps. Poussée par des amies, elle finira par donner le nom de cet ami d'enfance qu'elle accuse aujourd'hui.
Lors du procès qui s'est tenu en janvier 2018, c'est la notion de consentement qui était au coeur des débats. Mais également le fait que des vêtements d'Anna Circé n'aient été mis sous scellés que 17 mois après les faits. L'ADN de l'homme qu'elle accuse et qui a été retrouvé sur les vêtements n'était donc pas recevable.
Cependant, l'homme ne niait pas un contact physique avec la plaignante.
Selon un psychologue cité par France Bleu à l'époque du procès, Anna Circé présente des "troubles psychiques" et des "troubles de l'humeur" en raison de la première agression dont elle a été victime. Elle répond à cette expertise qu'elle conteste fortement : "La psychiatre qui me suivait depuis plus de six mois et qui avait diagnostiqué mon stress post traumatique avait fait un courrier à la cour d'assises en expliquant son diagnostic mais ils ont seulement tenu compte d'un expert qui m'a vue 45 minutes... et qui a nié mon stress post-traumatique. [...] C'était plus simple de me cataloguer dépressive ou ayant des troubles de l'humeur, ça permettait de remettre ma parole en doute. La cour d'Assises a décidé de me faire passer l'expertise deux semaines avant le procès en catastrophe. [...] Je n'ai forcément pas eu le temps de demander une contre-expertise et je le regrette."
Lors du procès, le désormais trentenaire qu'elle accuse a été acquitté au bénéfice du doute sur le consentement de la plaignante.
Selon son avocate Me Kian Barakat, "a-t-il pu savoir indiscutablement qu'elle refusait un contact physique ?". Elle s'est aussi basée dans sa défense sur l'article 121-3 du Code pénal qui stipule qu"'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre".
Pour cette avocate citée par Ouest France, "un acquittement pour viol peut se justifier par le défaut de l'intention de l'auteur, ou par un simple doute sur ce défaut d'intention, si l'accusé a pu se méprendre. " C'est donc toute la question du consentement qui en jeu.
Avant le procès, elle avait créé une pétition qui a recueilli 173 000 signatures à ce jour. Elle y dénonçait déjà la lenteur de la justice.
Aujourd'hui, Anna Circé dit souffrir de syndrome post-traumatique : "[Cela] s'est manifesté du jour au lendemain. J'ai dû arrêter mon travail (j'étais prof de français). Mon état s'est aggravé après l'acquittement. Je mangeais 12 fois par jour, j'étais angoissée constamment, j'étouffais la nuit, je ne pouvais plus du tout sortir et chaque geste du quotidien était devenu une épreuve. Aujourd'hui, je commence à aller mieux après des thérapies telles que l'EMDR et des efforts quotidiens. J'ai déménagé il y a 4 mois car je vivais dans la même ville que mon agresseur auparavant et évidemment après l'acquittement je n'avais plus la mesure de protection dont je bénéficiais avant le procès."
Elle a expliqué sa condition actuelle dans un message sur Facebook début janvier.
La jeune femme dénonce la longueur de la procédure, entre les faits qu'elle a dénoncés qui se seraient produits en novembre 2011 et le procès en janvier 2018, plus de six ans plus tard. C'est la raison de sa plainte contre l'État aujourd'hui : "L'enquête préliminaire a tellement été lacunaire et mal faite, la justice tellement lente que mon avocat et moi-même avons décidé de déposer plainte contre l'État pour faute lourde et déni de justice. [...] Il s'agit de la lenteur de la justice (six ans et deux mois entre ma plainte et le procès), dont plus de deux ans entre la fin de l'instruction et le procès."
Elle ajoute : "Mon avocat vient d'envoyer la plainte à l'huissier qui est chargé de la transmettre à l'agent judiciaire de l'État."
Aujourd'hui, Anna Circé a quitté son travail de professoresse de Français. Elle milite pour plus d'écoute des victimes d'agressions sexuelles.