Pendant que les Etats-Unis livrent une bataille sans merci contre les inégalités de salaire en proposant des soirées festives dédiées, la Grande-Bretagne entend lutter contre le fléau en légiférant. Rabat-joie les Bristish ? Pas vraiment. Dans une déclaration datée du 13 juillet, le Premier ministre britannique David Cameron a annoncé vouloir s'attaquer aux inégalités salariales entre femmes et hommes en imposant aux entreprises de plus de 250 employés de publier les différences de salaire de leur personnel.
La mesure, qui devra faire l'objet d'une consultation parlementaire pour en déterminer les modalités, pourrait être effective dès le premier semestre 2016. Concrètement, il s'agit pour David Cameron de rendre obligatoire une mesure qui, jusqu'ici, était facultative pour les entreprises d'Outre-Manche : depuis plus de cinq ans, les sociétés pouvaient en effet rendre publiques les différences de rémunération de leurs salariés. Une mesure plutôt restée confidentielle puisque seules cinq entreprises avaient alors choisi de jouer le jeu : Tesco, Friends Life, PwC, AstraZeneca et Genesis.
Fort de sa victoire aux dernières élections générales britanniques, David Cameron entend par cette annonce s'attirer les bonnes grâces des femmes et donc des électrices du Royaume. En s'attaquant au fossé salarial qui sépare hommes et femmes dans le pays, le chef du gouvernement entend "révéler les différences, créant la pression nécessaire au changement : augmenter le salaire des femmes".
Tels sont en effet les mots utilisés par David Cameron dans un message publié sur Facebook le 14 juillet. Un message dans lequel le Premier ministre rappelle que "De manière générale, une femme gagne 80 pence quand un homme gagne une livre (soit 1,13 euro pour les femmes et 1,41 pour les hommes, ndlr)". "C'est un scandale, et je suis déterminé à y mettre fin" a poursuivi le leader du parti conservateur.
"Quand mes filles, Nancy et Florence, commenceront à travailler, je veux qu'elles regardent les différences de salaires comme nous regardions le fait que les femmes ne pouvaient voter ou travailler: quelque chose d'obsolète et d'injuste que nous avons surmonté, ensemble", a également expliqué le dirigeant britannique. Une préoccupation que ne semblent pas partager tous les sujets de Sa Majesté.
Depuis cette annonce, des critiques se font en effet entendre. Parmi elles, l'argument selon lequel les différences salariales entre employés ne dépendent pas seulement du genre mais d'une multitude de paramètres. Cela ne fera que "favoriser davantage de mythes et de confusion", affirme par exemple l'Adam Smith Institute, un groupe de réflexion libéral cité par TV5 Monde.
D'autres, comme le quotidien de centre-gauche The Independent, font valoir le manque de coercition d'une telle mesure pourtant jugée "admirable". "Le gouvernement devrait communiquer ouvertement ce qu'il advient des informations publiées, faute de quoi les entreprises risquent de se sentir blanchies, et non tenues de combattre les inégalités (...) Si la publication n'est pas accompagnée de mesures actives, la mesure perd tout son sens", déplore ainsi le journal britannique.
Du côté des associations de défense des droits des femmes, on salue cette décision, tout en gardant une attitude de prudence face aux effets d'annonce. "Nous serons attentifs à ce que ces régulations soit claires et justes", a déclaré l'association Fawcett dans un communiqué. "Le risque est qu'une fois appliquées, elles ne soient qu'un écran de fumée".
Avec 19,7% d'écart, la Grande-Bretagne se classe au huitième rang européen des plus fortes inégalités de salaires entre les sexes, derrière l'Allemagne ou la République Tchèque (la France se classe 17e). Selon des chiffres publiés le 5 mars 2015, par l'office européen de statistiques Eurostat, l'écart de salaire entre les hommes et les femmes s'élevait à 16,4 % en 2013 dans l'Union européenne.