Des jambes effilées en gros plan, des fesses moulées dans des micro-shorts, des décolletés piegonnants zoomés, des culottes offertes en pâture et un point commun : des femmes sans tête. La tendance (perturbante) pour vendre un film ? Décapiter les femmes sur les affiches pour les réduire à l'état de chair à marketing. C'est pour dénoncer cette objectivation de la femme que la comédienne de stand up américaine Marcia Belsky a lancé son blog baptisé The Headless Women Of Hollywood. Chaque jour, elle y poste tous ces posters (et ils sont nombreux) exposant des femmes sans visage et martèle avec humour : "Nous voulons les têtes !".
Effarée par le nombre d'affiches mettant en scène ces femmes-troncs de la pop-culture, la comédienne new-yorkaise a décidé de réagir : "La question de son consentement est complètement effacée en même temps que sa tête et son intérêt se résume à être regardée par les hommes, docilement. Sa valeur est uniquement son attrait sexuel et non son statut de personne", explique-t-elle au site Hello Giggles. La compilation des affiches rassemblées sur le blog est en effet impressionnante. Et met en évidence le message sous-jacent : l'image soustrait la femme tout en l'exposant, elle la déshumanise en la livrant par fragments au regard masculin.
"C'est grâce aux traits du visage que nous reconnaissons les autres personnes. C'est le visage qui fait de nous des individus. En enlevant ça, on nous apprend que toutes les femmes, surtout celles qui correspondent à un idéal, sont les mêmes et interchangeables", analyse la créatrice du Tumblr.
Pire, loin de se cantonner aux comédies néo-beaufs à la American Pie (et leurs inévitables déballages de boobs et autres challenges de dépucelage), les femmes sans tête s'invitent également sur les affiches des films d'action (Terminator Genesis, Kingsman) et même des films d'animation pour enfants (Les Minions).
Le projet Headless Women of Hollywood entre en résonnance avec un sujet d'actualité plus large : le sexisme qui règne à Hollywood. Inégalités salariales, personnages féminins relégués au second plan (en 2013, seuls 28% des personnages parlant à l'écran étaient des femmes), rôles stéréotypés (89% des rôles d'infirmiers et 81% des rôles de secrétaires sont incarnés par des femmes) ou simples faire-valoir (une actrice a 26 % de chances d'apparaître dénudée à l'écran, contre 5% pour un homologue masculin), l'industrie du 7e art laisse les actrices au second plan quand elle ne les placarde pas de dos sur les affiches. Selon la chercheuse de l'Université de Californie du Sud, Stacy Smith, auteure d'une étude sur les inégalités dans le cinéma, "les femmes représentent près de la moitié de la population américaine, mais elles ne représentent qu'un tiers des rôles parlants."
Si les actrices et réalisatrices, à l'instar de Helen Mirren, Jennifer Lawrence ou Patricia Arquette, sont de plus en plus nombreuses à dénoncer ces inégalités patentes, les salariées de l'industrie cinématographique se heurtent encore trop souvent au "plafond de celluloïd". Les femmes sans tête d'Hollywood pourraient se faire les portes-parole de ces discriminations... si on leur rendait leur visage et leur bouche.