Le jugement par le Tribunal antiterroriste avait été rendu le 28 décembre dernier. Après presque trois ans d'emprisonnement, durant lesquels elle affirme avoir été victime d'actes de torture par noyade, électrochocs, et de sévices sexuels, Loujain al-Hathloul avait été reconnue coupable de "diverses activités prohibées par la loi antiterroriste". Elle était alors condamnée à 5 ans et 8 mois de prison, dont 2 et 10 mois avec sursis. Un verdict qui la rendait libérable quelques mois plus tard, expliquait à l'époque sa soeur Lina al-Hathloul.
Ce mercredi 10 février, elle a enfin été libérée, et a pu rentrer chez elle. "Loujain a été libérée", a tweeté Lina al-Hathloul dans la foulée, ajoutant en anglais que "Loujain est à la maison", photo à l'appui.
La fin d'un calvaire qui, s'il assure un soulagement à la jeune femme de 31 ans et à sa famille, ne répare en aucun cas les sanctions inhumaines que l'Arabie saoudite et son gouvernement soi-disant "progressiste" réservent aux défenseuses des droits des femmes. Pour rappel, si Loujain al-Hathloul avait été arrêtée en 2018, c'était pour avoir conduit une voiture et milité pour que les femmes de son pays puissent prendre le volant légalement.
Une injustice intolérable que condamne, encore aujourd'hui, Amnesty International. "Rien ne peut compenser les traitements cruels qu'elle a subis, ni l'injustice de son emprisonnement", s'indigne Lynn Maalouf, directrice adjointe de l'ONG pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. "Pendant son séjour en prison, elle a été torturée et harcelée sexuellement, mise à l'isolement et s'est vu refuser l'accès à sa famille pendant des mois."
La responsable accuse : "Les autorités saoudiennes doivent veiller à ce que les responsables des tortures et autres mauvais traitements infligés soient traduits en justice. Elles doivent également veiller à ce qu'elle ne fasse l'objet d'aucune autre mesure punitive, telle qu'une interdiction de voyager (la justice saoudienne lui a interdit de quitter le pays pendant 5 ans, ndlr). Loujain al-Hathloul n'aurait jamais dû être forcé de passer une seule seconde derrière les barreaux. Elle a été punie avec vindicte pour avoir courageusement défendu les droits des femmes en Arabie Saoudite et pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression".
A l'international, les réactions ne se sont pas faites attendre. Emmanuel Macron a tweeté se réjouir de "la libération" de la jeune femme et partager "le soulagement de la famille". Outre-Atlantique, le porte-parole du département d'État américain Ned Price a estimé lors devant la presse qu'il s'agissait d'une "étape bienvenue", avant de marteler que "la promotion et la défense des droits des femmes et des autres droits humains ne doit jamais être pénalisée".
Aujourd'hui, rappelle Amnesty International, Mohammed al-Bajadi, membre fondateur de l'Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA) et éminent défenseur des droits de l'homme, et Salman al-Awda, un ecclésiastique réformiste qui risque la peine de mort pour avoir exprimé son opinion dans un tweet, sont toujours emprisonnés pour leur combat en faveur des droits humains.