Si la pratique ne date pas d'aujourd'hui, c'est bel et bien en avril 2021, à l'ère des réseaux sociaux, que les jeunes filles et ex-élèves malaisiennes se révoltent. Le mois dernier, nombreuses ont rapporté la même chose : lorsqu'elles expliquent à leur enseignant·e avoir leurs règles, et donc ne pas pouvoir assister aux cours de sport ou de prière, détaille RFI, elles se retrouvent fréquemment à devoir prouver qu'elles disent la vérité.
Pour certaines, il s'agit de montrer leur sang menstruel à l'aide d'un mouchoir, d'un coton-tige, ou de leurs doigts, parfois publiquement. Pour d'autres, le personnel éducatif va jusqu'à leur agripper l'entrejambe pour sentir la protection périodique. Une demande répugnante et stigmatisante qui fait bien des ravages dans la construction des concernées.
Asiyah, dont le nom a été modifié, en témoigne justement auprès du média Free Malaysia Today. Il y a deux ans, raconte-t-elle, elle avait dû sécher les prières et s'asseoir à l'arrière de la classe car elle avait ses règles (selon l'islam, religion majoritaire en Malaisie, une femme ne peut pas prier pendant cette période). Cependant, l'ustazah (professeure de religion) ne l'a pas crue et a effectué un "contrôle" dans les toilettes.
"Elle a mis sa main entre mes jambes pour voir si j'avais une serviette hygiénique", se souvient la jeune fille. "J'étais tellement choquée, mais j'avais trop peur pour parler. Il y a eu un contrôle un autre jour aussi, mais cette fois-là, j'ai dû enlever mes sous-vêtements et les lui donner devant tout le monde pour prouver que je saignais".
Même récit chez Priyanka, qui se rappelle d'une expérience similaire datant d'il y a plusieurs années, alors qu'elle avait manqué un cours d'EPS car elle ne se sentait pas bien à cause de crampes. L'ancienne élève décrit au site d'infos qu'elle et quelques autres camarades avaient été convoquées dans la salle des équipements sportifs pour un "contrôle des règles" ; l'enseignante était persuadée qu'elles mentaient.
"Je l'ai vue toucher et palper les protections de mes amies à l'extérieur de leur uniforme, sans leur consentement. Je n'ai pas coopéré et lui ai dit d'écrire une plainte sur le carnet de notes de la classe à la place. J'ai reçu un démérite de 15 points pour ne pas avoir été obéissante".
Quelques semaines après ces prises de parole et un silence révélateur de la part du gouvernement, la pression médiatique finit par payer. Le 26 avril, le ministre de l'Éducation s'exprime. Il affirme d'abord qu'aucun des établissements mis en cause n'a confessé s'adonner à ce rituel, puis ajoute : "Si cela s'est produit, dites-moi dans quelles écoles". Ce que s'empressera de faire le journal indépendant Malaysiakini, précise RFI. Depuis, des enquêtes sont en cours.
Des révélations dramatiques mais essentielles qui en ont engendré d'autres. Cette fois, c'est une internaute et lycéenne du nom d'Ain Husniza Saiful Nizam qui a décidé de ne plus se taire face au harcèlement sexuel et aux remarques odieuses des enseignants. Le 23 avril dernier, sur TikTok, la lycéenne de 17 ans a dénoncé les propos tenus l'après-midi même par un professeur chargé d'un cours d'éducation sexuelle à sa classe.
"Il faisait d'abord des blagues qui semblaient normales", raconte l'adolescente, face caméra, depuis sa chambre, "et puis elles ont commencé à être bizarres et obscènes. Il parlait du fait qu'il y a des lois qui protégeaient les mineurs contre les agressions sexuelles et les viols. Et là vous savez ce qu'il a dit ? 'Si vous voulez violer quelqu'un, violez donc un majeur, pas un mineur'".
Ecoeurée, elle lance alors un hashtag fort : #MakeSchoolASaferPlace, "Faire de l'école un endroit sûr", qui résonne auprès de nombreuses personnes, femmes comme hommes, lesquelles rapportent leurs propres expériences d'agressions sexuelles, d'humiliation, d'intimidation. Des membres du corps enseignant soutiennent également ce mouvement, qui prend une ampleur de taille, assurant vouloir changer les choses, et sensibiliser les élèves à la culture du viol.
Depuis la viralité de sa déclaration cependant, Ain est menacée d'expulsion. Sur les réseaux sociaux, elle subit des insultes, des menaces de viol. La proviseure de l'établissement l'a même qualifiée "d'enfant de Satan" sur sa propre page Facebook. Des réactions contre lesquelles se dressent ses parents, qui la décrivent comme une lanceuse d'alerte tant elle a permis à d'autres de sortir d'un silence ravageur.
La lycéenne, elle, commente : "Maintenant, pour une fois, nos voix en tant qu'étudiantes sont entendues. Et je vous demande, adultes, éducateurs, gouvernement, politiciens, n'importe qui... de nous sauver."