De plus en plus, les menstruations et la façon dont elles affectent le quotidien des personnes concernées, sont mises sur le devant de la scène - sociétale, comme politique. Une libération de la parole (mais surtout, de l'écoute) nécessaire qui permet de dénoncer une stigmatisation, une méconnaissance et une précarité qui plongent nombreuses dans une véritable détresse.
Derniers chiffres en date à aborder la réalité d'une grande partie de la population, un sondage de l'Ifop pour la marque Intimina, qui a étudié auprès des femmes l'impact des règles sur leur vie. Un échantillon de 1 010 participantes, représentatif de la population féminine française âgée de 15 à 49 ans résidant en France métropolitaine, a ainsi répondu à plusieurs questions en ligne, entre le 17 et le 28 avril.
Etat physique et psychologique lors de leurs règles, frein dans la relation à l'autre, facteur d'exclusion sociale ou encore comportement et accessibilité dans l'espace public, autant d'angles qui ont été passés au crible, puis analysés par l'Institut d'opinion. Bilan, en cette journée mondiale de l'hygiène menstruelle, il reste du (très gros) boulot. A commencer par la reconnaissance de ces douleurs et de la pénibilité de la période par les hommes.
Ainsi, d'après le rapport, qui épingle que "la société et l'espace social revêtent parfois un caractère 'hostile' à l'égard des femmes réglées", "46% d'entre elles ont déjà eu le sentiment que la gêne ou la douleur de leurs règles étaient sous-estimées par leurs amis hommes, et 42 % par des membres masculins de leur famille". Une proportion conséquente suivie par un constat affligeant qui atteste que "33 % des femmes ont déjà subi des moqueries ou des remarques désobligeantes en raison de leurs menstruations".
La preuve s'il en fallait qu'une absence d'éducation complète et généralisée à ce sujet, malgré des efforts ces dernières années, et ce dès le plus jeune âge, crée des situations particulièrement difficiles passée la puberté.
"La libération de la parole permet certes aux jeunes filles d'accueillir plus paisiblement leurs premières règles, qui leurs sont présentées comme un 'rite de passage' vers leur nouvelle féminité, mais un paradoxe demeure entre ce premier discours et ce à quoi les femmes sont ensuite confrontées : une certaine 'diabolisation', ou du moins une négation par l'invisibilisation des menstruations dans l'espace public", observe en outre Louise Jussian, chargée d'études de l'Ifop au pôle "Actualités et politique".
Autre point sur lequel insiste l'étude : la façon dont l'espace public, "loin d'être 'mentrue-friendly', ne leur facilite clairement pas la tâche. "Ayant intériorisé l'idée que les règles ne doivent pas être vues, les femmes ont développé différentes stratégies d'évitement", continue l'Ifop. En cachant leurs protections dans leur manche ou dans leur poche pour 83 % d'entre elles sur le chemin des toilettes, voire en ne la changeant par pour 60 %.
Conséquences : elles renoncent par la même occasion à nombreuses activités. 74 % des femmes interrogées ont ainsi déjà été empêchées de se baigner lorsqu'elles avaient leurs règles, informe le sondage, 65 % ne se mettent pas en maillot, et 57 % ne pratiquent pas d'activité sportive en raison de "la douleur, d'une protection non adaptée ou encore de la peur de 'l'accident' qui laisserait entrevoir ces menstruations que l'on apprend à cacher aux adolescentes dès leurs premières règles".
Particulièrement alarmant.
"Ce climat non inclusif entretient un sentiment de malaise dans le rapport des femmes à leurs règles, à tel point que 87 % d'entre elles souhaiteraient ne plus être menstruées", découvre-t-on encore. Neuf femmes sur dix l'affirment donc : si elles pouvaient, elles se passeraient volontiers de leurs règles. De quoi alerter sérieusement quant à l'ampleur du fléau qu'est le tabou qui encercle les règles, mais aussi leur "invisibilisation" qui "marque encore profondément nos sociétés", conclut l'experte.