Premier jour de rentrée. La jeune Vivian (Hadley Robinson), 16 ans, débarque au lycée, Eastpack vissé sur le dos. Plan panoramique sur les différentes tribus, les regards, les looks. Sa meilleure amie fait le bilan post-vacances : "Elle devrait être élue plus beaux seins, elle, la plus baisable...". Pas de doute : nous sommes bien dans un teen-movie, ce genre doudou dans lequel on adore se lover- à n'importe quel âge. Sauf que ce nouveau film diffusé sur Netflix n'est pas un film pour ados totalement comme les autres. Moxie est l'adaptation du livre de Jennifer Mathieu, roman "young adult" sorti en 2015. Plutôt très inspirée (nous sommes deux ans avant le raz-de-marée #MeToo), l'écrivaine texane y contait le coming-of-age d'une jeune fille introvertie qui crée un "club féministe" au sein de son lycée. Un bouquin malin et atypique qui changeait des bluettes cucul qui abreuvent traditionnellement la chick-lit.
L'autre bonne nouvelle ? L'adaptation est signée par Amy Poehler, membre éminent du Saturday Night Live et géniale Leslie Knope dans la série Parks and Recreation. La comédienne s'est saisie de l'histoire de Vivian et ses copines, tenant le rôle de réalisatrice, productrice et actrice (elle incarne la maman cool de la jeune héroïne). Et on comprend que ce récit audacieux l'ait séduite.
Dans Moxie (comprendre personne déterminée et courageuse), pas l'ombre d'une garce, l'une des figures emblématiques du genre. Ici, la Némésis est un super sale mec, archétype du gosse de riche blanc et arrogant (incarné par le fils de Schwarzy, Patrick Schwarzenegger), champion du manterrupting et du harcèlement. Et capitaine de l'équipe de foot de l'école, cela va de soi. Un héraut de la masculinité toxique qui va allumer l'étincelle de la révolution bien malgré lui. Tout comme Lucy (Alycia Pascual-Peña), une nouvelle élève badass, déjà bien énervée et déterminée à ne pas se laisser marcher sur ses New Balance.
Si l'on retrouve les repères classiques du teen-movie (les casiers, les cheerleadeuses, la chambre d'ado, la fameuse soirée chez les parents qui ont tourné les talons, le match de foot...), Moxie emprunte des chemins de traverse, notamment dans la trajectoire inédite de son héroïne. Car la très sage Vivian ne cherche pas désespérément à gagner en popularité, ni à conquérir le coeur d'un beau gosse inaccessible. Non, elle se cherche une "cause". Et dans ce lycée gangréné par la culture du viol et le sexisme, elle n'aura pas à chercher bien loin. Cette liste des "plus beaux culs", ce dress-code discriminatoire, cette starification des athlètes mascus : elle veut tout envoyer valser.
Inspirée par sa mère, ancienne fan du groupe punk culte Bikini Kill et des Riot grrrls, Vivian va chausser avec fracas... des lunettes féministes. Telle est la chic idée de Moxie : l'entrée dans l'âge adulte si chère au teen-movie passera donc par la déconstruction de l'ado. Pas de séquence "relooking" spectaculaire sur fond de Pretty Woman, mais ce point de bascule vers l'envie de s'engager, de s'approprier des territoires laissés aux mecs, de débusquer les doubles standards en embarquant dans son sillage une ribambelle d'élèves. Vivian ne deviendra jamais une leadeuse charismatique, ne se métamorphosera pas en "reine" du bahut. Elle sera la discrète et ingénieuse soldate de l'ombre prête à faire vaciller le patriarcat lycéen à coups de fanzines rageurs et d'actions coups de poing.
Evidemment, Vivian tombera amoureuse, mais là encore, cette délicate love-story ne sera pas l'axe central du film, qui se concentre avant tout sur les ressorts de la sororité. D'ailleurs, les garçons dans leur ensemble sont relégués au second plan. Et ça aussi, ça change.
Moxie livre ainsi une rafraîchissante leçon d'activisme pour les féministes en herbe, ringardisant au passage tous les clichés associés au "cool", habituellement centrés sur le look, l'intégration au microcosme étudiant ou la perte de la virginité. Ici, le principal enjeu des fille est de promouvoir le girl power et l'intersectionnalité. Ou comment rendre l'engagement diablement plus stylé qu'un énième bal de promo boursoufflé. Si l'on regrettera qu'Amy Poehler soit restée aussi didactique et n'ait pas poussé le curseur de l'audace plus loin (l'exquise série Sex Education reste à ce titre exemplaire), sa relecture gentiment inclusive et politique du teen-movie revitalise un genre aux stéréotypes éculés. Et pourrait bien faire éclore de nouvelles militances au sein de la Gen-Z. Chic.
Moxie
Un film d'Amy Poehler
Avec Hadley Robinson, Lauren Tsai, Josephine Langford, Patrick Schwarzenegger...
Disponible dès le 3 mars 2021 sur Netflix