Par-delà le fameux "effet Matilda" (à savoir la minimisation systémique de l'apport des femmes de sciences dans l'histoire de la recherche) perdure au sein du domaine scientifique des inégalités toujours aussi fortes. Et elles éclosent de raisons sociologiques véritables. C'est le Centre national de la recherche scientifique lui-même qui nous le démontre aujourd'hui par le biais d'une étude fort peu enthousiasmante mise en ligne le 26 août dernier.
"Même les scientifiques ont des stéréotypes de genre...qui peuvent freiner la carrière des chercheuses", décoche l'étude de l'institution. C'est là la conclusion de chercheuses et chercheurs en psychologie sociale et cognitive, qui durant deux ans ont étudié pas moins de quarante jurys, constitués pour chacun d'une vingtaine de personnes. Ces mêmes jurys, qui sont en charge d'évaluer des candidatures afin de désigner les futur·e·s directeurs et directrices de recherche, ont du répondre à cette grande question : les discriminations existent-elles au sein du milieu scientifique ? Et pourquoi ? Constat : un jury sur deux seulement en atteste. Pire, à en croire un second test, la majorité des jurés associent naturellement les sciences aux hommes...
"Nous avons beau être convaincus que les sciences ne sont pas qu'une affaire d'hommes, le concept de science demeure beaucoup plus fortement associé au masculin qu'au féminin dans les esprits", déplore en ce sens le communiqué de presse du CNRS. C'est donc un fait, les biais sexistes existent au sein de la recherche. Et loin de rester à l'état de purs "fantasmes" et de "croyances", ces idées préconçues ont de réelles conséquences d'un point de vue professionnel. Effectivement, une autre étude effectuée sur les décisions des comités - qui font donc suite à ces premiers tests - nous démontrent que le fameux "un jury sur deux" qui niait l'existence de ces discriminations...a pourtant privilégié les directeurs aux directrices de recherche au moment de la prise de décision du comité. Les hommes devant les femmes. "Inconscientes" ou non, les inégalités professionnelles sont ainsi avérées. Plus question désormais de "faire l'autruche", comme l'ironise à raison Les Echos.
"Même si les disparités hommes-femmes dans le domaine scientifique ont des causes multiples et commencent à l'école, cette étude indique pour la première fois l'existence de stéréotypes implicites de genre chez les chercheurs et chercheuses de toutes disciplines, susceptibles de nuire aux carrières des femmes scientifiques", cingle alors la conclusion du Centre national de la recherche scientifique. Les résultats de ces questionnaires confirment hélas ce que révélaient déjà certains sondages, à savoir cette difficulté à associer femmes et sciences dans "l'opinion populaire". L'on se rappelle qu'il y a quatre ans déjà, parmi 5 000 européens interrogés dans le cadre d'une étude, 70% estimaient les femmes "mauvaises en sciences". Ce pourcentage serait-il vraiment moins "facepalmesque" aujourd'hui ?
Cette étude majeure incite le magazine de société Néon à rappeler ces chiffres plutôt édifiants : au CNRS, seules 29% des directeurs de recherche sont des "directrices". De plus, les chiffres recueillis fin 2017 indiquent que l'on dénombre seulement 38,1 % de chargées de recherche et 29,2 % de directrices de recherche au sein des équipes scientifiques. A croire que la parité, elle aussi, est encore en cours de recherche...