En France, environ 70% des musulmans déclarent observer le jeûne du ramadan, selon un sondage Ifop de 2009. Mais quelles conséquences le ramadan a-t-il sur les salariés concernés ? Peuvent-ils aménager leurs horaires, ne pas assister à une réunion ou encore refuser un dîner d'affaires ? « Il n'y a pas de dérogation inhérente à la période de ramadan dans le code du travail. Le salarié a un contrat qu'il doit respecter », répond Lylia Luc-Bouzar, juriste en droit du travail et spécialiste de la question (1). « En revanche, l'entreprise a, elle, le devoir de respecter la liberté de conscience et de pratique d'un culte de chaque individu. » Chacun peut donc exercer sa religion, si celle-ci respecte six critères définis par la jurisprudence : le salarié ne doit pas entraver les conditions d'hygiène et de sécurité de l'entreprise, ni l'organisation des services et les intérêts commerciaux. Il ne doit pas faire de prosélytisme, et doit réaliser la mission pour laquelle il a été embauché. « Évidemment, certains critères sont plus compliqués à respecter que d'autres en fonction de son poste : un cadre n'aura aucune difficulté à adapter ses horaires tout en continuant à atteindre ses objectifs, là où un salarié sera plus embêté », reconnaît la spécialiste.
En revanche, rien n'empêche un salarié de formuler une demande d'aménagement de ses horaires auprès de son employeur. « Il n'est d'ailleurs pas obligé de se justifier, ses raisons étant privées. Mais en pratique, c'est vrai, qu'il a assez difficile de ne pas en parler », convient la juriste. Quant à l'employeur, il devra répondre à cette demande par des critères objectifs : un impact signifiant sur le service ou sur les autres employés par exemple. Concernant le déjeuner d'affaires, là encore un employé ne peut refuser de travailler, mais rien ne l'oblige à manger : « La pratique d'une religion, qui relève de la liberté de conscience, est un droit fondamental pour le salarié. Il peut donc assister au repas sans manger. On peut d'ailleurs simplement expliquer à ses convives que, cette fois, on ne les accompagnera pas. » Mais alors à quoi s'exposerait un salarié qui n'accepterait pas un déjeuner ? « Il peut refuser une fois, quelle que soit la raison. Il peut ne pas se sentir bien par exemple. Ce sont des choses qui arrivent. En revanche, si cette situation se reproduit systématiquement, il s'expose à des sanctions, non pas parce qu'il fait le ramadan, mais parce qu'il n'a pas rempli ses missions professionnelles. »
Pour éviter tout conflit, les entreprises n'auraient-elles donc pas intérêt à anticiper cette période ? Non, répond Lylia Luc-Bouzar : « C'est un aménagement qui doit rester individuel, sous peine d'avoir des effets pervers : cela peut entraver l'esprit d'équipe, voire créer du communautarisme. Certains n'ont d'ailleurs pas envie d'être remarqués sur leur confession. Le seul conseil que l'on peut donner aux employeurs est de ne pas refuser l'expression de demandes individuelles, d'être réceptif. Et surtout de répondre sur des critères transparents, et répondre simplement oui ou non. ».
(1) Dounia et Lylia Bouzar, Allah a-t-il sa place dans l'entreprise ?, éditions Albin Michel.
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