Marion Kaplan : Ces doctrines alimentaires, ces méthodes diététiques sélectives ou réductrices empêchent les individus qui s’y soumettent d’être à l’écoute de leur corps, de leurs besoins, de leurs sensations, sans compter que toute autant qu’elles sont, elles perturbent la physiologie naturelle de l'organisme. Personne ne devrait avoir besoin de se soumettre à de telles contraintes alimentaires, sauf en cas de problème de poids important. Il n’y a aucun régime qui ne soit pas dangereux ; ni le régime Dukan qui peut provoquer de graves problèmes de santé ni la méthode Atkins, que j'ai moi-même testée. Plutôt qu’un régime, je préconise, pour perdre du poids, une « réforme alimentaire ». Les hommes et les femmes devraient réapprendre à manger des légumes de saison, des poissons, de la volaille. Ils devraient également prendre l’habitude de ne manger que lorsqu’ils ont faim. En effet, il n’y a aucune obligation à manger si le corps n’émet pas de signal en ce sens.
M. K. : Le principe du régime 5:2 est complètement débile et anti-physiologique. C’est comme ça que l’on engraisse les cochons, en les alimentant en abondance avant de les priver. Il n’est pas nécessaire de maltraiter son corps avec ce type de méthode pour maigrir, il suffit d’être à l’écoute de ses sensations et, surtout, de réduire sa consommation de sucre ; c’est lui le véritable ennemi. Par rapport au sucre, même les graisses ne sont pas si néfastes finalement. Il faut surtout perdre ses mauvaises habitudes et être suffisamment patient et volontaire pour en adopter de nouvelles. Mais l’alimentation étant synonyme de plaisir et les contraintes alimentaires de frustration, beaucoup d’individus s'y refusent.
M. K. : Bien sûr. C’est un peu le principe du « Dis-moi comment tu manges, je te dirais qui tu es ». Par exemple, ceux qui mangent par habitude, trois fois par jour parce que tout le monde mange trois fois par jour, sont des personnes qui fonctionnent par conviction, qui raisonnent par des « il faut », « on doit ». Elles ne laissent par leur corps leur envoyer des signaux, elles ne mangent pas par faim. D’ailleurs, chez elles, la question ne se pose pas. À l’opposé, ceux qui n’ont jamais faim ne sont pas non plus intéressés par la vie, n’ont plus goût à rien. Ils n’ont aucun plaisir à se mettre à table, y restent le moins possible et mangent peu. Ils ne grignotent jamais en dehors des repas car ni la nourriture ni le plaisir qu’ils pourraient en tirer ne les intéresse. Ce sont des individus qui vivent un conflit intérieur, qui considèrent que leur vie n’a plus de sens. En revanche, ceux qui mangent par émotion ont trop d’attentes par rapport à la vie, dont la plupart ne sont pas comblées.
M. K. : J’ai le sentiment que la société actuelle nous plonge de plus en plus dans une nutrition hors-conscience. L’invention de la fourchette qui vibre pour nous empêcher de manger trop vite illustre notre inconscience par rapport à ce que nous mangeons mais aussi à la manière dont nous le faisons. Manger par automatisme, prendre trois repas par jour simplement parce qu’il faut le faire, nous éloigne de nous-même. Quand on mange par faim, on déguste, on éprouve du plaisir et on est présent par rapport à notre assiette. En revanche, quand on mange au travail, devant son ordinateur, c’est très différent. On mange alors uniquement par mimétisme.
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