C'est à se demander si Robert Ménard a vécu dans une grotte ces derniers mois et est, de fait, passé totalement à côté de l'affaire Harvey Weinstein, du mouvement #MeToo et de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes du 25 novembre.
La supposition est en tout cas légitime à la vue de l'affiche honteuse que le maire de Béziers a publié lundi 11 décembre sur son compte Twitter pour réclamer le passage d'une ligne de TGV en Occitanie. On y voit une femme vêtue d'une longue robe blanche, ligotée aux rails d'un train et hurlant alors que s'approche dangereusement un train à vapeur. "Avec le TGV, elle aurait moins souffert", peut-on lire en guise de formule. "Mobilisons-nous !", "#TGVOccitanieOui" ose noter en complément le maire de Béziers.
Si la demande de la mairie de Béziers de voir la région desservie par une ligne à grande vitesse est fondée, la question est : doit-on se plier à toutes les bassesses de faire fi de toute humanité pour sensibiliser l'opinion ?
La question est définitivement non. Honteuse, l'affiche partagée par Robert Ménard fait clairement l'apologie des violences faites aux femmes. Elle est d'autant plus morbide qu'elle fait tristement écho à un féminicide qui s'est déroulé en juin dernier à Beauvilliers, en Eure-et-Loir, comme le rappelle la journaliste Titiou Lecoq.
Sur Twitter, les réactions scandalisées d'internautes n'ont pas tardé à pleuvoir. Les associations féministes Paye ta Shnek et Stop Harcèlement de Rue ont annoncé avoir déposé une plainte auprès du Jury de Déontologie Publicitaire pour réclamer le retrait immédiat de l'affiche incriminée.
Également choqué, le député PS Sébastien Denaja a interpellé la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa afin que des "poursuites judiciaires soient engagées sans délai contre l'odieuse campagne lancée par le maire de Béziers". L'ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes Laurence Rossignol a elle aussi réclamé le "retrait immédiat" de la campagne et des poursuites contre "l'ignoble Robert Ménard". Elle a par ailleurs déclaré avoir déposé une plainte auprès du procureur de Béziers.
Dans un tweet, Marlène Schiappa a elle aussi annoncé avoir saisi le Préfet "afin que tous les recours possibles soient étudiés et activés". Elle a par la suite annoncé qu'une enquête a bien été ouverte.
"Le maire de Béziers a, une nouvelle fois, lancé une campagne d'affichage marquée au sceau de la vulgarité. Il se sert du corps de la femme pour faire passer des messages populistes et la met en scène en victime de violences", a quant à lui dénoncé dans un communiqué le préfet de l'Hérault, Pierre Pouëssel. "Alors qu'une femme sur trois est victime de violences au cours de sa vie, M. Ménard ne mesure toujours pas la souffrance physique et psychologique qu'engendrent ces atteintes à leur intégrité, pas plus que la mobilisation contre ces violences faites aux femmes qui est une priorité du gouvernement", poursuit Pierre Pouëssel.
Cette affiche de la mairie de Béziers n'est pas la seule à être problématique. Sur une autre, d'un goût douteux indiscutable, on peut voir un obstétricien "sortant" d'une femme un wagon de TGV. En guise d'accroche, le très classe : "TGV Occitanie : alors t'accouches ?"
La polémique aurait pu tourner court si Robert Ménard avait retiré l'affiche incriminée des réseaux sociaux et présenté platement ses excuses. C'était mal connaître le personnage. Faisant mine d'être choqué du scandale qu'il a suscité, il s'est défendu en invoquant l'univers western. Pire, il a osé accuser Laurence Rossignol d'utiliser contre lui le fait divers dont il assure n'avoir jamais eu connaissance.
Que son ignorance soit ou non avérée, la décence aurait voulu que Robert Ménard reconnaisse son indélicatesse par respect pour la famille de la victime. Mais c'était visiblement trop lui demander, une fois encore.