Dévoiler les pensées des femmes lorsqu'elles font l'amour. Tout simplement. Dans son ouvrage Sex Mille Personnes, Caroline Michel nous ouvre la porte de la chambre à coucher des femmes. De la chambre à coucher, de la cuisine ou des toilettes de ce bar miteux à côté du métro Jules Joffrin, selon les préférences. Une idée qui lui est venue en réfléchissant au fait qu'à chaque instant, 6000 personnes sont en train de s'envoyer en l'air. En préface de son ouvrage, elle confie : "J'ai levé les yeux vers quelques immeubles, je me suis demandé si une étreinte était en cours derrière telle ou telle fenêtre et à quoi pensaient les femmes en cet instant. Alors j'ai écrit ces bouts de vie, j'ai écrit le sexe dans la tête, j'ai écrit le sexe dans des dizaines de chambres à travers le monde."
80 récits hauts en couleurs, racontés au "je", qui nous emportent, nous amusent ou nous émeuvent. Comme l'histoire de cette femme qui, après dix ans de relation, ne peut s'empêcher de penser à son ex alors tout en se débattant avec l'emballage d'une capote, signe de renouveau. Celle d'une autre qui, après des années de célibat, a finalement retrouvé l'amour dans les bras de Frédérique, comme sa voyante le lui avait promis. Au détail près que ce n'est pas un, mais une Frédérique qu'elle a finalement préférée rejoindre sous les draps.
Ces récits, illustrés par la talentueuse Anne Boudart, se dévorent en un rien de temps. Car Sex Mille Personnes, c'est un peu comme discuter avec ses amies de leurs dernières conquêtes. Parfois, c'est drôle. Très drôle. Parfois, moins. Par moment, ça nous serre même un peu la gorge. Car, qu'ils soient drôles ou touchants, ces textes ont tous le mérite d'être justes et sans chichis. Un ouvrage savoureux et ludique qui, au-delà de vous divertir, vous inspirera peut-être sous les draps. Extraits choisis.
"Je vais lui dire, évidemment. Mais je me bouge les lèvres, je me retiens, au moins un peu, au moins jusqu'au prochain rapport. Son corps est lourd sur le mien, nos langues se lèchent et s'enroulent, j'ai de sa bave sur mon visage. On ne peut pas s'arrêter et j'espère que ça ne s'arrêtera jamais. J'aime cette fusion, ne faire plus qu'un, nous qui sommes deux, deux âmes qui ont fini par se croiser et qui ne se lâchent plus depuis un mois. Un mois et douze orgasmes. Du jamais vu. Je jouis à tous les coups, parce que c'est super bon. J'ai la chair de poule. Il ralentit, freine son côté animal pour me caresser du bout des doigts. Tout doucement, il s'extasie sur ma peau, mes seins, mes tétons durs qui lui prouvent combien je réagis à son contact. Je sais qu'on va partager une autoroute, se marier, faire des enfants et l'amour jusqu'à ma mort. On ne se quittera jamais. Je navigue dans mes rêves de femme aimante et de vie de famille, et lui, il reprend, il s'active. Un coup, deux coups, je mors mes lèvres puis la couette, j'agrippe sa nuque et contiens mes cris, mes mots, ma déclaration. Je t'aime. Je t'aime, encore, je t'aime - c'est sorti tout seul."
"Benoît, le premier.
David, le Grec.
Thibaut, pendant deux ans.
Hugo, la Twingo.
Etienne, la maladresse.
Mathéo, sans commentaires.
Jo, la mycose.
Baptiste et Antonin, les meilleurs amis.
Raphaël, le collectionneur.
Casimir, le golfeur.
Marco, l'opticien.
Théodore, le chagrin d'amour.
Pablo, le pansement.
Laure, l'expérience.
Edouard, le poète.
Lucas, le faux départ.
Pierrick, le projet d'enfant."
"Pincer le bout et dérouler. S'il pouvait s'en charger. S'il pouvait m'épargner le geste, la capote, la maladresse. Est-ce qu'il sait depuis combien de temps je n'ai pas repris à zéro ? Bien sûr que je devais rompre avec Alban. J'ai eu du mal. On ne quitte pas les gens comme ça. On ne quitte pas dix ans d'histoire, une belle-famille, des copains, des meubles et des habitudes en claquant des doigts. J'ai pris mon courage à dix mains. Aujourd'hui, elles sont vides. Vides de ne plus toucher Alban. Vides de ne plus ouvrir notre appartement, vides de ce corps que je connaissais pas coeur. Vides d'un passé que j'ai construit à ses côtés. Vides de toutes ces pièces que nous avons empilées, imbriquées, remodelées. Mes mains tremblent parce qu'elles se souviennent, parce qu'elles ont porté l'amour, les enfants, les projets. Parce qu'elles ont perdu le mode d'emploi du préservatif et des hommes qui en portent."
Sex mille personnes
Par Caroline Michel
Illustrations de Anne Boudart
Livre de poche