Les clichés ont la dent dure. Et parfois, même lorsqu'ils tendent à disparaître, leurs conséquences perdurent. C'est ce que remarque une étude réalisée par l'Institut français d'opinion publique pour Caroom, publiée ce jeudi 8 juillet et intitulée La voiture, un objet de pouvoir et de tensions dans le couple ?, qui décrypte les rapports femmes-hommes avec la conduite.
Qui prend le volant le plus fréquemment, quels sont les sujets de dispute dans l'habitacle, comment la valorisation des comportements à risque dans la virilité influe sur la peur des passagères : autant de sujets abordés qui dressent le bilan, bien qu'encourageant, d'une égalité à la traîne.
D'abord, les "bonnes" nouvelles. Au sein des couples hétérosexuels, la répartition de la prise de volant s'est nettement équilibrée. L'enquête avance ainsi que, si 55 % des répondantes estiment encore que la décision d'acquérir une voiture revient à leur partenaire, c'est tout de même 30 points de moins qu'en 1994.
Autre constat : de moins en moins de conductrices consultent leurs proches masculins lorsqu'elles cherchent un véhicule, 44 % aujourd'hui contre 62 % en 1990. Un résultat signe d'"émancipation", selon l'Ifop, qui analyse plus largement : "Il y a là une nette émancipation de la gent féminine vis-à-vis de l'image de l'homme expert véhiculée des décennies durant au travers de multiples stéréotypes – métiers, sports automobiles, publicités...".
Lorsque la voiture est lancée, on remarque également que la moitié des couples se disputent. 53 % sur de courts trajets, 54 % sur de longs trajets. En cause : le style de conduite pour 47 % des participant·e·s, la direction à prendre pour 37 % d'entre elles et eux, la vitesse pour 28 %, puis les bouchons (15%) et la musique (10%).
Viennent ensuite les points plus critiques. Seuls 11 % des hommes déclarent que leur femme conduit autant qu'eux, contre 21 % des femmes. Un décalage qui s'explique par la honte que ressentiraient les participants à assumer ce partage égal ? Plus loin, on lit que 43 % des interrogées ont peur lorsque leur partenaire prend le volant, contre 36 % des hommes.
Et puis, il y a la perception des compétences de l'autre. Si 38 % des sondées affirment conduire mieux que leur conjoint, eux ne sont que 17 % à l'admettre. Un paradoxe certain quand on voit que tous tombent d'accord sur le fait que les accidents sont plus souvent de la faute des hommes que des femmes. Ou la preuve que la définition d'une "bonne conduite" chez eux est moins relative à la sécurité que chez elles.
Pour François Kraus, directeur du pôle "Genre, sexualités et santé sexuelle" à l'Ifop, "la proportion croissante de Françaises ne consultant pas leur entourage masculin ou décidant de l'achat de la voiture du foyer constitue autant de symptômes d'une remise en cause de la domination masculine sur les questions relatives à l'automobile et notamment de l''expertise' technique qui fut longtemps attribuée de facto aux hommes en la matière". Un progrès enthousiasmant, qu'il ne croit cependant pas tout à fait acquis.
Ainsi, il constate que "le volant reste encore l'apanage des hommes dans la grande majorité des couples, peut-être parce que cet objet de pouvoir et de contrôle est encore trop chargé symboliquement pour que son partage entre les deux sexes ne soit perçu comme une remise en question de leur virilité."
L'indice de la (longue) route qu'il reste à parcourir, sur l'asphalte comme dans la société.