En termes d'endurance, les femmes tiennent la distance. Plus que les hommes, d'ailleurs. Une étude publiée sur RunRepeat a observé et décortiqué près de 2,4 millions résultats de marathons enregistrés entre 2009 et 2019 à Berlin, Boston, Chicago, Londres, New York et Paris. Et les résultats sont là : si les coureurs démarrent en moyenne plus rapidement, les femmes gèrent mieux leur course. Et sont donc de meilleures coureuses.
Pour preuve, les marathoniennes gardent davantage leur rythme que les marathoniens dans la deuxième moitié des 42km195. L'écart entre les deux parties de l'épreuve est plus modeste chez les femmes (11,49 %) que chez les hommes (14,07 %), ce qui signifie qu'elles sont 18,33 % meilleures qu'eux niveau constance, analyse le rapport. Et quand on regarde les prouesses des concurrentes aux plus grosses épreuves d'endurance du monde ces dernières années, les victoires confirment ce qu'avance la science.
En 2006, la Française Corinne Favre a par exemple gagné la première édition de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc Courmayeur-Champex-Chamonix (UTMB CCC), une course de 86 kilomètres, et devancé le premier homme de 18 minutes. En 2019, la Britannique Jasmin Paris a été la première femme à remporter la Montane Spine Race, un ultra-marathon de 268 miles (431 km) dans les Pennines, chaîne montagneuse anglaise. Une performance d'autant plus "extraordinaire", assure The Guardian, "qu'elle a battu le record du parcours de douze heures, tout en tirant son lait pour son bébé dans les stations de secours le long de la course".
Interrogé par Le Monde, Guillaume Millet, professeur de physiologie de l'exercice à l'université de Saint-Etienne et lui aussi ultra-trailer, n'est pas étonné par ces conclusions : "Toutes les études ou presque sont concordantes : sur marathon, mais aussi sur des distances plus courtes de 5 ou 10 km, les femmes ont une moindre baisse de vitesse au fil de la course. En marathon, c'est vrai même à haut niveau".
Il est lui-même à l'origine d'études sur les différences physiques entre les hommes et les femmes après l'effort - principalement menées auprès de participant·e·s à l'Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB). En observant par exemple la fatigue musculaire après des courses ultra-endurantes et intensives, il a découvert que celle-ci est moins marquée chez elles que chez eux.
D'après le spécialiste, le mental n'y est pas pour rien. "Les hommes ont tendance à être davantage en mode compétition que les femmes", assure le scientifique. "Elles courent davantage dans un état d'esprit de plaisir, du moins sur les petites distances, ce qui pourrait expliquer leur moindre niveau de fatigue à l'arrivée." Il s'empresse toutefois de préciser : "Cela semble moins vrai pour des épreuves d'ultra". On imagine effectivement qu'au bout de 171 kilomètres de course en montagne (la distance de l'UTMB), le "plaisir" ne soit pas l'unique moteur pour continuer.
Afin d'expliquer pourquoi les coureuses ne battent globalement pas les coureurs sur ces épreuves, Guillaume Millet avance au Monde deux facteurs physiologiques qui les désavantageraient : leur capacité à transporter l'oxygène dans le sang est plus faible et leur proportion de masse grasse plus élevée. "Un handicap en course, un peu moins à vélo, pas du tout en natation", poursuit-il. Mais il soulève un autre point, avantageux cette fois : le fait que les femmes peuvent davantage utiliser leurs réserves lipidiques à l'effort que les hommes, et donc économiser des glucides. "Un autre atout sur les courses d'endurance", analyse l'expert.
Une chose est sûre, même la science le dit : "courir comme une fille" est le plus beau compliment qu'on puisse faire à un·e athlète.