La star américaine est bel et bien de retour. Après une pause méritée, Taylor Swift est la vedette de Miss Americana, documentaire réalisé par Lana Wilson et diffusé par Netflix dès le 31 janvier, qui suit la chanteuse pendant plusieurs années de sa carrière. On y découvre l'envers du décor de sa tournée, on y entend ses doutes, on vit son trac avant de se produire sur scène, et surtout, on assiste à des moments plus intimes - ceux d'une jeune adulte qui est sûrement tombée dans la marmite du show business un peu trop tôt. Entre ces scènes touchantes, Taylor Swift se livre sur un sujet qu'elle n'avait jusqu'ici jamais abordé : ses troubles alimentaires.
Elle raconte comment sa célébrité lui a fait prendre un tournant malsain, notamment quant à son rapport au corps et sa façon de se nourrir. Lors d'une séquence du film où on la voit sur son palier alors que des dizaines de photographes l'assaillent, on l'entend se confier en voix-off : "Ce n'est pas bon pour moi de me voir en photo tous les jours". Elle avoue : "Ce n'est arrivé que quelques fois, et je n'en suis pas du tout fière", mais parfois "je voyais une photo de moi où j'avais l'impression que mon ventre était trop gros, ou... quelqu'un a dit que j'avais l'air enceinte ... et cela va juste me donner envie de ne plus manger".
Un cri du coeur qui reflète une industrie peu regardante envers la santé des femmes, pourvu qu'elles correspondent aux standards de beauté.
Dans une interview pour Variety, Taylor Swift revient sur ce passage marquant : "Je ne savais pas si j'allais me sentir à l'aise pour parler d'image corporelle et des choses malsaines que j'ai vécues - ma relation avec la nourriture au fil des ans", par exemple. "Mais la façon dont Lana Wilson raconte l'histoire, cela a vraiment du sens. Je ne suis pas aussi articulée que je devrais l'être sur ce sujet parce qu'il y a tellement de gens qui pourraient en parler d'une meilleure façon. Mais tout ce que je sais, c'est ma propre expérience. Et ma relation avec la nourriture suivait exactement la même psychologie que j'appliquais à tout le reste dans ma vie : si on me donnait une tape sur la tête, j'enregistrais l'action comme bonne. Si on me donnait une punition, je l'enregistrais comme mauvaise".
Elle explique ainsi comment elle s'est retrouvée, à 18 ans, en couverture d'un tabloïd qui titrait "Enceinte à 18 ans ?" pour pointer son ventre qui n'était pas plat. "J'enregistrais ça comme mauvais", affirme-t-elle. Ou alors la fois où la styliste d'un photoshoot l'a félicitée de rentrer dans les tailles standards des défilés car sur elle, elle n'avait "pas besoin de retoucher les vêtements", contrairement à d'autres artistes. "J'enregistrais ça comme bon", poursuit-elle. "Si vous êtes assez mince, alors vous n'avez pas ce cul que tout le monde veut", déplore-t-elle dans le film. "Mais si vous avez assez de poids sur vous pour avoir un cul, votre ventre n'est pas assez plat. C'est tout simplement impossible".
La chanteuse a donc commencé à restreindre son alimentation, ce qui a affecté considérablement sa santé mentale, ainsi que ses capacités physiques. "Je pensais que j'étais censée avoir l'impression que j'allais m'évanouir à la fin d'un concert, ou au milieu de celui-ci", atteste-t-elle dans le documentaire. "Maintenant, je me rends compte que non, si on mange, on a de l'énergie, on devient plus forte, et on peut faire tous ces shows et ne pas se sentir (affaiblie)".
La jeune star de 30 ans assure au magazine ne plus tellement se soucier des commentaires sur sa prise de poids désormais, et s'être réconciliée avec "le fait que je fais une taille 6 au lieu d'une taille double-zéro", lance-t-elle. Elle dit qu'elle n'était pas du tout consciente que quelque chose n'allait pas à l'époque, et qu'elle avait une réponse prête à l'emploi si on soulevait le sujet. Si quelqu'un exprimait son inquiétude, elle enchaînait : "'Bien sûr que je mange. Je fais juste beaucoup d'exercice.' Et je faisais beaucoup d'exercice", assure-t-elle. "Mais je ne mangeais pas".
Au-delà d'un discours nécessaire sur ces troubles alimentaires induits par un milieu parfois destructeur, Taylor Swift se sert aussi de Miss Americana pour expliquer son absence d'engagement politique, particulièrement en amont de l'élection de Donald Trump. Une neutralité apparemment due à la volonté de quelques-un.es de ses managers, qui avaient peur qu'elle "perde la moitié de ses fans si elle critiquait les Républicains", précise le New York Times. Aujourd'hui, l'interprète de Bad Blood a décidé de ne plus se taire quand il s'agit de sujets "qui importent", quels qu'ils soient. Et c'est tant mieux.
Miss Americana, de Lana Wilson, sur Netflix le 31 janvier 2020