Des millions de français ont découvert avec effroi son visage à la Une de Paris-Match. La photographie de l’époque est légendée : « Ce visage mutilée accuse l’OAS ». On y voit une petite fille, les yeux fermés, collés par le sang, la partie droite du visage en bouillie. Les Français se souviendront longtemps de la petite Delphine Renard.
C’était le 7 février 1962, en pleine guerre d'Algérie : une bombe explose dans le domicile où réside André Malraux. Le ministre de la Culture du général de Gaulle était absent à ce moment-là mais au rez-de-chaussée de l’immeuble, une petite fille de quatre ans et demi est grièvement blessée. Les éclats de verre lui déchirent l’œil droit. Elle devient, malgré elle, le symbole des victimes du terrorisme de l’OAS. Son visage ensanglanté publié dans la presse provoque un immense choc dans la population.
Delphine Renard a très peu de souvenirs du moment précis de l’explosion. Elle décrit une sensation d’une immensité noire, l’impression d’un temps suspendu et dilaté. La déflagration a soufflé une partie de l’immeuble. Le lendemain, la France entière découvrira l’horreur sur un cliché. Une image insoutenable qui fera descendre dans les rues des dizaines de milliers de manifestants pour demander la fin de la guerre d’Algérie. S’ensuivra un massacre. Neuf personnes perdront la vie sous la folie meurtrière de la police du préfet Papon.
Il aura fallu beaucoup de temps, près de cinquante ans, et de courage pour que cette petite fille devenue femme raconte son histoire, sa vie devenue destin. « Tu choisiras la vie » publié aux éditions Grasset, décrit des moments terribles de douleur et d’immense angoisse lorsqu’elle perdra définitivement la vue. Mais c’est aussi un hymne à la vie, à la survie. Devenue psychanalyste, Delphine Renard consacre aujourd’hui sa vie aux autres. Elle continue aussi de se battre contre les apologistes de l’OAS et pour que soit enfin reconnue par l’Etat la brutale répression qui coûta la vie à neuf manifestants au lendemain de l’attentat. Un combat qu’elle mène sans aucune haine mais pour que rien ne soit oublié, dit-elle.