La 28e édition des Victoires de la musique classique ne ressemble à aucune autre. Au-delà d'un contexte exceptionnel qui a forcé la cérémonie à se tenir à huis clos, et de la fermeture des scènes de concert et spectacle depuis novembre, c'est la liste des lauréat·e·s qui a marqué par son progressisme.
Dans un milieu traditionnellement masculin où le sexisme a tendance à faire rage, les femmes - et de surcroît les femmes noires - prennent ainsi de plus en plus visiblement la place qui leur revient. Pareil pour la jeune génération, particulièrement touchée par la crise, qui s'est vue remettre une récompense de taille. On vous liste les 4 bonnes nouvelles de cet événement remarquable diffusé en direct, le 24 février, depuis l'auditorium de Lyon.
Il s'agit du premier prix de la soirée. En 2021, la Victoire d'honneur n'a pas été remise à un·e artiste pour l'ensemble de sa carrière comme c'est le cas habituellement, mais à deux étudiant·e·s du Conservatoire supérieur de musique de Lyon. Une transmission symbolique à la jeune génération, et une démonstration de soutien à la profession dans son ensemble, lourdement atteinte par les restrictions sanitaires.
Autre expression de solidarité : le pianiste Alexandre Tharaud, 52 ans, a dédié sa distinction dans la catégorie artiste soliste instrumental de l'année "aux musiciens qui vont très mal".
Par un vote conjoint des professionnel·le·s et du public, la soprano guyanaise Marie-Laure Garnier s'est vue décernée le prix de Révélation artiste lyrique de l'année. Une première, pour une artiste lyrique issue des territoires ultramarins, précise l'AFP. La jeune femme de 30 ans, qui a interprété un air de Tannhäuser de Wagner ce soir-là, a dédié son prix "à tous les chanteurs en herbe d'Outre-mer".
"Venant de Guyane à 14 ans, je me m'imaginais pas du tout être là ce soir", lance-t-elle, émue, lors de son discours de remerciements. "Je voudrais partager un rêve : que dans les Outre-mer on ait des institutions qui puissent former au chant lyrique", et que "le mot diversité" ne soit pas une "discussion" mais une réalité. En 2019, elle avait déjà remporté la première édition des Voix des Outre-mer, un concours visant justement à donner plus de visibilité aux talents qui en sont originaires.
Julie Fuchs, 36 ans, a quant à elle reçu le pris d'artiste lyrique de l'année, après deux révélations en 2012 et 2014.
Découverte lors du concours de cheffes d'orchestre La Maestra, la Vénézuélienne Glass Marcano a pris la direction de l'orchestre national de Lyon juste après le sacre de Marie-Laure Garnier, faisant résonner la Symphonie n°4 de Tchaïkovski dans l'auditorium. Elle est la première cheffe d'orchestre noire de France, et son parcours exceptionnel frappe les esprits.
En 2020, malgré le Covid et une situation économique particulièrement difficile dans son pays, la musicienne de 24 ans réussit à participer à La Maestra, notamment grâce à un élan de solidarité inédit. Sur scène, elle éblouit jury et orchestre. "Elle parle musique ! Dans le sens où elle ne parle pas français ni anglais. Elle s'exprime, elle chante, elle fait des gestes... Ça marche, c'est incroyable", s'enthousiasme auprès de France Musique Emmanuel Hondré, directeur des concerts de la Philharmonie.
Si elle ne remporte pas le concours, elle obtient tout de même le Prix de l'Orchestre décerné par le Paris Mozart Orchestra, et entame une carrière à suivre absolument.
Betsy Jolas, compositrice franco-américaine de 94 ans et figure de la musique contemporaine, a été récompensée de la Victoire classique de compositrice de l'année pour son quatuor à cordes Topeng. L'année dernière aussi, une compositrice était sacrée dans cette catégorie. Il s'agit de Camille Pépin, dont la dernière oeuvre La source d'Yggdrasil a également été jouée par l'Orchestre national de Lyon durant la cérémonie.
Un palmarès réjouissant qui prône la diversité et fait espérer de véritables changements salutaires au sein du microcosme encore trop inégalitaire qu'est la musique classique.