En Angleterre, lorsqu'une personne victime d'un viol ou d'une agression sexuelle porte plainte, elle devra désormais autoriser la police à accéder à son portable, sa tablette, son ordinateur et sa montre connectée, sans quoi sa procédure pourra être abandonnée.
Ses photos, ses appels, ses messages, ses réseaux sociaux, tout sera passé au peigne fin pour tirer les conclusions du crime qu'elle est venue rapporter. Une intrusion dans sa vie privée qui inquiète les associations féministes et certain·es membres du gouvernement britannique.
"Bien que les plaignantes comprennent la nécessité d'examiner le matériel pertinent (téléphones et autres), il est 'disproportionné' de vouloir télécharger leurs vies entières", déclare Harriet Wistrich, directrice du Centre pour la justice des femmes (CWJ), comme l'indique Courrier International.
"Apparemment, nous voici de retour à l'époque sinistre où les victimes de viol étaient traitées comme des suspectes", poursuit-elle, ajoutant que cette mesure pourrait décourager beaucoup de potentielles plaignantes de se rendre aux autorités.
La baronne Helen Newlove, commissaire aux victimes et députée du parlement britannique craint quant à elle la complexité de cette réforme et de ce qu'elle engage : "Alors que ce formulaire expose le point de vue de la police, du point de vue de la victime, il est à la fois complexe et technique", confie-t-elle à The Independent.
"De nombreuses victimes ne seront tout simplement pas en mesure de comprendre pleinement les implications de la transmission de leurs données personnelles. C'est une décision énorme, d'autant plus lorsque vous êtes extrêmement vulnérable." Elle a ainsi réclamé que chaque victime puisse bénéficier d'une assistance juridique gratuite et que les juges, plutôt que les détectives ou les procureurs, décident de ce qui doit être divulgué dans les litiges.
De son côté, Max Hill, directeur des poursuites pénales, a insisté sur le fait que les téléphones ne seraient pas saisis "comme preuve". Plusieurs victimes ont cependant déjà témoigné qu'on leur aurait clairement exprimé oralement : "vos agresseurs ne seront pas arrêtés si vous ne donnez pas votre téléphone", souligne The Telegraph.
Les autorités quant a elles, peinent à justifier de telles mesures, qui seraient mises en place pour développer le partage des informations entre officiers, et expliquent qu'il s'agit d'"une tentative de combler une lacune dans la loi qui précise que les plaignants et les témoins ne peuvent pas être forcés de divulguer leurs téléphones, ordinateurs portables, tablettes ou montres connectées".
Quand on sait qu'une femme qui porte plainte pour viol doit déjà affronter, dans beaucoup de cas, des questions inappropriées sur sa tenue, son attitude et sur sa vie privée, on est en droit de réclamer une justice qui n'inverse pas les rôles en fouillant dans la vie d'une victime comme si elle était coupable. Un coupable qui se trouve la plupart du temps dans l'entourage, et donc qui est déjà connu de la victime.