Il règne une ambiance bon-enfant ce vendredi après-midi dans la salle des fêtes d’Oullins, commune du sud de Lyon, où des militants s’activent. Ils sont une poignée à installer de longues tables, aligner quelques centaines de chaises, dresser les nappes bleu blanc rouge et les drapeaux français aux quatre coins de la pièce. Dehors, le mur blanc de la salle municipale fraîchement repeint finit de sécher sous le soleil de cette journée presque printanière. « La mairie a dû se charger de le repeindre en catastrophe cette nuit, suite aux tags qui y ont été inscrits la veille », soupire Muriel Coativy, candidate Front national qui organise le soir même le « grand dîner patriotique » du parti, qui accueille Jean-Marie Le Pen. Des « Le Pen paiera », « à mort la patrie » et autres « Non aux fachos » ont en effet fleuri sur la façade de la salle des fêtes dans la nuit du 7 au 8 mars. « Les manifestations contre le Front sont systématiques », déplore la candidate de la 12e circonscription. Des réactions qui obligent le parti à mobiliser leur service de sécurité.
En attendant, il faut assurer la logistique d’un dîner pour 250 militants, et il reste les centres de table fleuris à mettre en place. A côté de la scène, Nicolas, 59 ans, s’occupe de la sono. « Le CD ne fonctionne pas, ce sont les aléas de l’organisation », sourit-il, en raccordant des câbles. Lyonnais, père de trois enfants, ancien chargé de sécurité récemment tombé au chômage, Nicolas Florès a repris sa carte au Front national il y a peu. « J’étais déjà militant FN entre 1984 et 1988 », confie-t-il, avant de préciser que par la suite il avait préféré s’investir dans des associations. « Mais à l’approche des prochaines élections, j’ai souhaité m’impliquer plus, défendre des valeurs et des idées qui sont les miennes. Je me suis alors rapproché du Front ». Quand on lui demande pourquoi avoir fait le choix de l’extrême droite, lui qui confesse avoir voté pour François Mitterrand en 1981, il répond que le FN « n’est pas un parti d’extrême-droite mais de droite traditionnelle ». « La politique actuelle qui repose sur seulement deux partis me révolte, continue-t-il. Pour moi le FN c’est un parti indépendant, il n’a de comptes à rendre à personne, surtout pas aux grands patrons du CAC 40 ». Quant à son action au quotidien en tant que militant, elle consiste surtout à porter « la bonne parole ». Tractage, rencontres sur les marchés, collage des affiches : « on me dit que ce que je fais est courageux. Je réponds que je fais ce que je peux pour changer les choses ».
A l’extérieur de la salle, le service de sécurité du Front national vient d’arriver. A sa tête Richard Ramon, directeur de la sécurité départementale du Vaucluse pour le parti. A 60 ans, cet ancien conseiller clientèle à la retraite annonce fièrement qu’il est militant frontiste depuis 1986. Depuis, « des meetings j’en ai fait et j’en ai refait », aux côtés de « Jean-Marie » : « des moments mémorables » pour Richard. Assurer la sécurité du « président » lors de ses déplacements est sa façon à lui de s’investir en politique et de défendre ses idées. Posté à l’entrée du parc où se situe la salle des fêtes d’Oullins, il monte la garde, en attendant l’arrivée en voiture de M. Le Pen. « Je suis venu en renfort suite aux inscriptions qui ont été taguées cette nuit, afin de veiller à éviter tout débordement ». Il encadre de loin une équipe de jeunes militants en blousons noirs, qui filtrent les entrées. Parmi eux, effectuant des allers retours entre la salle où les militants rentrent au compte-goutte et les grilles de l’entrée, deux jeunes militants s’investissent pour la première fois dans le service de sécurité. Thomas, 25 ans, téléconseiller, et Ambroise, 19 ans, étudiant en première année de droit, sont des jeunes recrues du parti, appelées à se mobiliser pour cette occasion. « Ce qui nous a attirés dans la politique c’est le parti et particulièrement Marine Le Pen », assurent-ils. « Nous partageons ses idées sur la France, sur les valeurs, la souveraineté », continue Thomas. Ambroise confie que dans son milieu « très aisé », il est habitué aux conversations très politisées : « à chaque fois à table le dimanche on parle politique » explique-t-il. « C’est la première fois que je vais voter et je vais voter Marine », dit-il, déterminé.
La nuit tombe, il est 18h30 et les militants s’installent peu à peu aux grandes tablées dressées face à l’estrade. Dans moins de deux heures, Jean-Marie Le Pen viendra y prononcer son discours. En attendant, on se serre la main, on parle politique et on s’échange les dernières nouvelles. Parmi les convives, les têtes politiques locales, dont André Pozzi, responsable FN de la 13e circonscription du Rhône et Sandrine Ligout candidate sur la 14e circonscription. En pleine campagne, ils racontent leurs expériences sur les marchés où ils distribuent des tracts tous les weekends. « Les préoccupations des gens que j’y croise sont souvent les mêmes », note M.Pozzi, qui a remporté 41.53 % des voix au second tour des dernières élections cantonales. « Emploi, logement, sécurité : les citoyens sont inquiets. Dans les banlieues, c’est également le comportement des musulmans par rapport aux filles qui pose des problèmes », estime-t-il, en ajoutant que là où le FN fait des voix, c’est justement dans ces quartiers populaires. Même son de cloche de Sandrine Ligout, qui cependant déplore de se faire « traiter de facho tous les weekends », même si au final elle déclare recevoir « de bons retours ».
C’est finalement avec près d’une heure de retard que Jean-Marie Le Pen arrive, en compagnie de sa femme, de Bruno Gollnisch et de Christophe Boudot, le secrétaire départemental du Front national du Rhône. Sous une haie d’honneur et une salve d’applaudissements, le président d’honneur du FN traverse la salle. Il est venu motiver ses troupes et mobiliser les militants, et semble ravi de se trouver là, pour supporter la campagne de « Marine ». Alors que le dîner commence, Bruno Gollnisch prononce son allocution face à un public conquis. Christophe Boudot quant à lui se réjouit de cette soirée « agréable » : « on se sent en famille », avance-t-il, content d’accueillir Jean-Marie Le Pen, qu’il a accompagné toute la journée dans ses déplacements et ses prises de parole face aux médias.
Les discussions à table tournent autour de la crise. Sylvie, 48 ans, estime qu’il « faut fermer les frontières parce qu’il y a trop de gens qui viennent en France ». Son mari, Jean-Pierre, 58 ans, avoue une méfiance totale vis-à-vis du « système » : « il n’y a aucune transparence, c’est l’opacité complète ». Le couple confie se rendre le plus souvent possible à ces dîners organisés par le parti : « c’est important » pour eux de soutenir le FN en période de campagne, de montrer à « Jean-Marie et Marine » qu’ils sont derrière eux.
Au moment où Jean-Marie Le Pen monte sur scène, le public se lève pour l’acclamer et les « Jean-Marie », « Le Pen président » fusent de toutes parts. Le président d’honneur se fait lyrique, fustige l’ « UMPS » sous les éclats de rire de la salle, avant d’évoquer les menaces qui planent sur la France et de faire appel à la fibre patriotique de l’assistance. Immigration, jeunes de banlieue et salaire parental seront abordés pendant cette heure de discours qui se termine avec une Marseillaise entonnée par tout le public, debout. Chacun se rassoit et termine son dessert en commentant le discours du « président ». « Jean-Marie Le Pen veille », souffle une femme dans l’assistance, rassurée, souriante.
Marine Le Pen : pourquoi sa campagne s'essouffle ?
Elections cantonales : percée du FN et échec de l’UMP
1/3 des Français d'accord avec les idées du FN
Marine Le Pen sort les chiffres de son programme présidentiel
Parrainages FN : le conseil d'État transmet la QPC
Parrainages 2012 : Marine Le Pen s'insurge contre un « système absurde »