
Sororité, violences sexuelles, patriarcat, culture LGBT...
Il y a plus de 30 ans, Thelma et Louise invoquait tous ces motifs sous la forme d'un flamboyant road movie, et portrait de femme(s) bouleversant, dépeignant pour certains deux amies, et certainement la plus belle des histoires d'amitié au féminin, pour d'aucuns deux figures émancipatrices inspirantes pour la communauté lesbienne. Ce que suggère, spoiler, le baiser final. Star ayant fait son coming out bi il y a quelques années, Susan Sarandon elle-même défend cette version.
Toujours est-il que le plus féministe des classiques hollywoodiens a traumatisé des générations entières de femmes. En prônant leur liberté, leur revanche face aux misogynes, en filmant ouvertement le viol, les violences sexistes, mais aussi, la solidarité d'une moitié de la population. S'amusant volontiers des stéréotypes de genre : Brad Pitt, cowboy déluré, y est juste un "sex symbol", un "plan-fesses" pour les protagonistes. Un pied de nez réjouissant face au cliché de la femme objet !

Mais voilà, tout cela n'a pas plu à tout le monde.
Ces messieurs se sont exprimés, en 1991, sur Thelma et Louise. N'hésitant pas à déployer les accusations et qualificatifs les plus violents. On se demande même si vous êtes prêt(e)s face à un tel déferlement...
C'est un documentaire, Thelma et Louise, un western féministe, qui en témoigne. Un visionnage qui démontre la portée historique de ce drame.

Interviews et images d'archives à l'appui, ce film à retrouver sur ARTE (site et chaîne YouTube), gratuitement, nous révèle l'origine de ce projet audacieux, dont personne ne voulait, écrit par une femme inconnue au sein de l'usine à rêves (une scénariste de 32 ans, Callie Khouri) et qui finira par être lancé grâce à l'aval... D'une productrice, Mimi Polk Gitlin.
Bien des producteurs ayant soupiré à sa lecture.
Et quand on constate les retours critiques, masculins pour la plupart, on comprend pourquoi !

Lisez-donc...
Cette escapade sauvage filmée par Ridley Scott de l’Utah à l’Oklahoma a notamment rendu fou le critique John Leo, journaliste réputé pour le U.S. News & World Report. A le lire, Thelma et Louise est un concentré de "féminisme toxique". Oui, c'est amusant quand on sait que le film, précisément, épingle... La masculinité toxique.

Pire encore : le journaliste considère le road movie comme "un film fasciste". Et le compare même... A Mussolini. Oui, la figure politique pas vraiment connue pour son ouverture d'esprit. A sa suite, toute une partie de la presse américaine s'anime. La plupart des critiques ? Elles se focalisent sur la portraitisation des hommes dans ce film. Et trouvent "dangereuse" cette "diabolisation" de la gent masculine.
Quand on visionne Thelma et Louise, et qu'on se préoccupe principalement des personnages masculins, c'est peut être que l'on passe à côté du message, non ?
D'autant plus que le personnage incarné par Harvey Keitel équilibre l'équation. Toujours est-il que ce qui choque, c'est l'usage de la violence dans le film. Encore une fois, curieuse préoccupation : ces messieurs craignent-ils une soudaine révolte féministe mondiale susceptible de renverser leurs privilèges ?

Le documentaire en tout cas est limpide : "Une partie de la critique masculine accuse le film de dégrader l'image des hommes. Un spectateur s'exprime : le film pousse à l'extrême l'attitude d'hommes testostéronés, combien d'hommes sont réellement comme ça ?"
Quand l'art dérange à ce point, c'est qu'il est révolutionnaire. Thelma et Louise l'est encore, 30 ans après.