Environ un tiers des femmes en âge de procréer ont recours à la pilule, et parmi elles, la majorité des 15-29 ans, informe un rapport de Santé Publique France datant de 2016. Un moyen de se protéger qui ne fait certes pas l'unanimité, mais dont le principe continue certainement de convaincre par sa simplicité.
Il existe deux façons de la prendre. La première sur 21 jours, avec les pilules oestro-progestatives ou combinées, les plus utilisées et conçues à base de progestérone et d'oestrogène. Pendant 3 semaines et ce, quotidiennement, on avale un comprimé à heure plus ou moins fixe. Puis, on arrête pendant une semaine (ou on passe aux placebos), et on reprend le 8e jour. Ainsi, les menstruations sont déclenchées de manière régulière.
Chez certaines personnes en revanche, la pilule est prise en continu - comprendre qu'à l'inverse de la combinée, on ne marque pas de pause de 7 jours. Parce qu'il s'agit d'une formule progestative, à base de progestérone, qui fonctionne sur 28 jours, ou parce qu'on décide de cumuler deux plaquettes de 21 jours pour éviter l'inconfort des saignements et des multiples symptômes et douleurs qui accompagnent ce stade du cycle.
Un procédé populaire qui permet d'être "tranquille", nous révèle par exemple Fanny, 34 ans, qui explique avoir elle-même entamé une nouvelle plaquette il y a dix jours au lieu de s'arrêter. Sa raison : ne pas être "dérangées par mes règles en plein été". "Au début je n'osais pas, je suivais la notice à la lettre", confie-t-elle. "Et puis des amies avec qui je partais en vacances m'ont convaincue en me disant qu'elles le faisaient régulièrement, et que ça leur facilitait la vie." Notamment sur la plage, où protections périodiques et sable n'ont jamais fait bon ménage.
Contente d'être libérée d'une certaine charge, la jeune femme se demande toutefois "si ce n'est pas risqué". "Sachant que je me pose déjà des questions sur la pilule en elle-même, et comment ces hormones influent sur mon organisme, je me dis qu'il y a peut-être des dangers à ne pas faire de pause comme prescrit". Compréhensible.
Pour Fanny, comme pour ses (nombreuses) semblables qui, elles aussi, préfèrent zapper leurs menstruations de temps à autres, on a trouvé réponse à cette essentielle interrogation.
D'abord, il est essentiel de rappeler un fait que beaucoup ignorent encore : les saignements provoqués lorsque l'on est sous pilule n'ont rien d'authentique. C'est même tout le contraire. Si on continue d'avoir nos règles alors qu'on prend ce contraceptif, c'est à cause du pape. Oui oui.
"Le gynécologue John Rock l'a conçue (la pilule combinée, ndlr) parce qu'il espérait que le pape accepterait la pilule, et la rendrait acceptable pour les Catholiques", raconte John Guillebaud, professeur émérite en santé reproductive, au quotidien britannique The Telegraph. "Rock estimait qu'en imitant le cycle naturel, le pape l'accepterait. Quand sa campagne auprès du pape a échoué, il a tout simplement cessé d'être Catholique après avoir été croyant toute sa vie."
Une anecdote pour le moins étonnante - et révoltante - qui trahit, une fois n'est pas coutume, le besoin patriarcal flagrant de contrôler le corps des femmes, ainsi qu'un fait incontesté chez les spécialistes : "médicalement, [avoir ses règles sous pilule] ne présente pas d'intérêt", atteste au Figaro le Pr Philippe Deruelle, gynécologue-obstétricien et membre du Collège national des gynécologues-obstétriciens français. En outre, l'expert poursuit : "Prendre la pilule en continu est à recommander".
"Une femme qui prend une pilule combinée n'a pas besoin d'avoir ses règles pour être en bonne santé". Dans un avis scientifique publié outre-Manche le 21 janvier 2019, les membres du Collège des gynécologues-obstétriciens britanniques l'affirmaient sans détour : "Les études ont démontré que la contraception hormonale combinée est aussi sûre et au moins aussi efficace si elle est prise en traitement de longue durée ou en continu que si elle est prise dans un cycle traditionnel 21 jours/7 jours".
Sur Twitter, le gynécologue et militant féministe Martin Winckler relayait lui aussi ces résultats. "Oui vous pouvez prendre une pilule oestro-progestative en continu", écrivait-il le jour de la parution du rapport, avant de préciser : "S'il s'agit d'une pilule dont les comprimés ne contiennent pas tous la même dose, vous risquez cependant d'avoir des saignements intermittents."
Information que le médecin franco-canadien développe plus encore sur son site, s'appuyant sur les "connaissances actuelles" diffusées par les organismes internationaux, comme il le spécifie. "Vous pouvez parfaitement commencer une plaquette plus tôt que prévu. D'ailleurs, cela augmente l'efficacité de la pilule !", écrit-il.
Et d'estimer ce procédé plus "confortable" pour les personnes "qui ont des migraines pendant la semaine d'arrêt de leur pilule", "qui ont des symptômes prémenstruels pendant la semaine d'arrêt", "qui ont une anémie en raison de règles abondantes". Mais aussi celles "souffrant d'endométriose : la pilule 'en continu' constitue un traitement efficace des douleurs et des saignements", "de maladie polykystique des ovaires" et "d'épilepsie dont les crises surviennent au moment des règles".
Autant de garanties sérieuses de pouvoir profiter de notre été - comme d'autres moments dans l'année - sans saigner, et sans plus de danger qu'avec une prise classique non plus. Alors, nous aussi, comme Fanny, partons "tranquilles" ?