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Souffrez-vous de "fatigue de la prudence" ?
Publié le 27 mai 2020 à 17:35
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
La "Caution Fatigue", ou "fatigue de la prudence" dans la langue de Molière, qu'est-ce que c'est ? Et bien, un syndrome qui vous titille peut-être en ces temps de pandémie. On vous explique tout.
Le laxisme gagne-t-il du terrain à l'heure du déconfinement ? Le laxisme gagne-t-il du terrain à l'heure du déconfinement ?© Abaca
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Le confinement ne nous a rien épargné question ennui et anxiété. Quitte à mettre en péril la santé mentale des personnes les plus fragiles et invisibilisées, durant des semaines et des semaines. Angoisses redoublées des anonymes hypocondriaques, vulnérabilité accrue des personnes dépressives, (sur)charge mentale des femmes bataillant entre leur vie professionnelle (en télétravail) et familiale... La liste serait trop longue.

Mais aujourd'hui, à l'heure du déconfinement, les esprits n'en sont pas moins apaisés. Car c'est une sacrée période que nous vivons, pas plus confortable, loin de là. Au moment de ressortir, bien des maux nous accablent. L'angoisse de ne plus rester chez soi, déjà. Mais aussi, une fatigue, pernicieuse, à l'idée de devoir respecter les gestes barrières et autres mesures sanitaires coûte que coûte, dans les semaines, les mois à venir.

Et si cela vous épuise, pas de doute, vous faites l'objet de ce que le Time intitule "la fatigue de la prudence". Un concept plutôt particulier en période de pandémie, conciliant incertitude et lassitude en un tout nocif. La fatigue de la prudence, ce sont ces "oublis", volontaires ou non, ces transgressions diverses aux règles établies, en dépit de la sécurité et de la santé d'autrui. Ce ras-le-bol qui peut déboulonner trop vite des efforts collectifs...

Une prudence en berne ?
Les gestes barrière trop peu respectés ? © Abaca

Comme on a pu l'observer, cette fatigue est plus que criante outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, elle embrasse le scepticisme que certain·e·s éprouvent à l'égard du coronavirus et des gestes à adopter - comme le port du masque. Ainsi, s'attriste le journal américain, des "fêtes à la maison" s'organisent à droite à gauche, tandis que les plages se bondent - celles de la Californie du Sud - mais aussi les parcs - ceux de New York. Mais ce n'est pas tout. Dans une nation dont le Président est loin d'être un modèle de prévention anti-Covid, pendant que certain·e·s peaufinent leur quarantaine, des voyages sans aucun but professionnel s'effectuent toujours...

Las, les préventions s'effritent. Mais il serait simpliste et absurde de résumer ces attitudes à une méconnaissance de la situation, ou à un mépris d'autrui. C'est ce que raconte la professeure agrégée de psychiatrie et de sciences comportementales Jacqueline Gollan au Time : ce phénomène est bien plus complexe que cela, il a trait à la nature humaine. Cette spécialiste de la dépression et de l'anxiété voit là les effets - pas si surprenants - d'un stress et d'un isolement prolongés. Qui dit fatigue dit baisse de motivation, et donc laxisme renforcé. En outre, c'est comme si chacun souhaitait "un retour à la normale" qui, hélas, a peu de chances d'advenir tout à fait.

 

Anxiété et lassitude, les liaisons dangereuses. © Abaca

Ce laxisme n'est évidemment pas une nouvelle crainte. Tout au long du confinement, bien des médias l'ont écrit à propos des gouvernements divers : le Royaume-Uni serait trop laxiste, mais aussi l'Allemagne, voire-même, l'Occident en général. Aujourd'hui, ce sont les gestes individuels qui, plus que jamais, sont observés.

"Devant le flou du gouvernement, les Français se sont responsabilisés eux-mêmes. On l'a vu avec les masques. Nous sommes, depuis le début de la crise, dans l'injonction paradoxale, avec un Président qui veut aller vite et un gouvernement plus prudent", décrypte à ce titre le chef du service des maladies infectieuses du CHU de Rennes Pierre Tattevin dans les pages de Ouest France. Pour le professionnel de la santé, cette situation n'a rien de très confortable : elle implique des individus qu'ils trouvent "le juste milieu entre laxisme et paranoïa".

Un "flou" qui explique en partie cette fatigue généralisée.

Comment réagir ?
(Dé)confinement et "fatigue de la prudence". © Adobe Stock

Face à cet épuisement qui vous gagne peut-être, comment agir au juste ? Jacqueline Gollan l'énonce sans détour : il est tout d'abord primordial de cajoler votre santé mentale. S'assurer autant que faire se peut d'un sommeil et d'une alimentation équilibrés, malgré une routine que l'on imagine vacillante - entre réflexes du confinement et découverte réticente du déconfinement. A ce titre, ne pas hésiter à faire de l'exercice. Mais surtout, conserver une "forme émotionnelle", explique la spécialiste. C'est à dire, communiquer, partager ses affects avec autrui, prendre le temps de rire et de décompresser. Ne pas mésestimer les vertus des interactions sociales.

"Qu'allez-vous faire ce matin ? Y'a-t-il des choses que vous ne faites pas que vous devriez faire ? Que pouvez-vous faire dans l'heure qui vient, ou aujourd'hui, qui serait un acte altruiste pour autrui ?", suggère encore la professeure agrégée de psychiatrie. L'idée est là : il s'agit de se confectionner un petit planning sans se laisser gagner par l'anxiété. La notion d'altruisme n'est pas dépourvue de sens. En pensant à votre santé comme à celle des autres, vous comprenez plus encore l'importance de maintenir - par exemple - la distanciation sociale.

"Il y a quelque chose de puissant dans l'espoir, la compassion, le souci des autres, et toutes ces valeurs peuvent aider les gens à lutter contre la fatigue de la prudence", nous assure d'ailleurs Jacqueline Gollan, pleine d'optimisme. Même quand cet état d'esprit se concrétise par petites touches, sans actes de bravoure, il n'est pas inutile, loin de là. En cette période, c'est une forme de résistance au laxisme qu'il faut muscler, tous ensemble.

 

La fatigue déconfinée. © Abaca

Pour la spécialiste, développe le Philadelphia Inquirer, il est évidemment essentiel de ne pas oublier, malgré le poids des mois écoulés, la réalité du coronavirus. Notamment en s'informant par le biais de médias fiables - sans pour autant se noyer sous les informations trop anxiogènes. Plus encore que d'avoir à l'esprit les diverses injonctions gouvernementales, se rappeler la portée collective de ses actes (en se protégeant, on protège les autres) peut également aider "à prendre de meilleures décisions et à résister aux tentations". Et si on essayait ?

Néanmoins, si Jacqueline Gollan croit en ce sursaut d'attention pour autrui, la professeure redoute encore "une baisse du respect des gestes barrières" dans les semaines à venir. Des transgressions alarmantes dues notamment aux multiples pressions, humaines et psychologiques, mais également économiques, relatives à cette catastrophe sanitaire exceptionnelle. Espérons cependant que le temps ne lui donne pas totalement raison...

 

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